Ruben Begert

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Seuls 12% des Suisses contre l'armée
Dans un article publié dans "Le Temps", différents intervenants décrivent leur vision pour le futur de l'armée suisse. On peut même y lire une volonté de transformer l'armée en "une sorte de police fédérale". Or, la police et l'armée sont deux éléments différents pour de bonnes raisons. Il ne suffit pas de partager un but commun (la sécurité) et quelques moyens techniques (la capacité d'user de la contrainte et de la force) pour être semblables. Pour un agent de police, l'usage de la force est toujours l'ultime recours. La loi sur la police cantonale vaudoise précise par exemple que l'usage de l'arme "n'est autorisé qu'en cas de nécessité et doit être proportionné aux circonstances" (art. 25). A l'inverse, pour un engagement militaire, l'analyse de la proportionnalité tactique peut être reléguée au second plan dans la décision d'ouvrir le feu. Si la mission consiste à barrer ou à détruire, il est tout à fait envisageable d'organiser une embuscade ou même d'atteindre par l'artillerie un adversaire ne posant aucune menace tactique aux tireurs eux-mêmes. Si l'on n'achète pas un marteau pour visser un panneau de bois, on ne devrait pas non plus conserver l'outil militaire et son obligation de servir avec des tâches de police comme première ambition. Il s'agit aujourd'hui de se demander si nous voulons conserver la capacité de planter des clous à côté de nos nombreux tournevis. Dans le cas contraire, nous courrons le risque d'entretenir des outils inappropriés, d'augmenter la confusion de l'opinion publique dans le débat sécuritaire et d'oublier pourquoi, au-delà de la nécessité historique de la masse, on a confié depuis l'antiquité aux citoyens libres la mission si particulière de la défense de la cité.
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Seuls 12% des Suisses contre l'armée
Le 24 Heures du 14.05.2010 reprend avec d'autres quotidiens les "révélations" diffusées par la Weltwoche au sujet du contingent 21 de la Swisscoy. Le quotidien vaudois dénonce des manquements disciplinaires répétés au sein du contingent suisse. Des beuveries, des bagarres et des fréquentations de lupanars y sont évoquées. La lecture de ces articles appelle quelques commentaires. Si le moment choisi, avec la visite au Kosovo de la délégation de la commission de sécurité au Kosovo, ne doit rien au hasard, d'autres zones d'ombre sont plus gênantes. L'article donne en effet à penser que les soldats du contingent suisse passent six mois dans la débauche aux frais du contribuable, ce que l'on constate d'ailleurs à la lecture des commentaires sur les sites des différents quotidiens. Le fait d'évoquer des problèmes de marche du service dans le cadre d'un agenda politique fait partie du débat public et contribue aussi, en définitive, au processus normal de remise en question et d'amélioration de l'armée. Cet éclairage seul, cependant, n'est pas honnête vis-à-vis du public. En effet, si l'on cherche à décrire ce que font et vivent les soldats suisses, il est indispensable d'évoquer la réalité de leur travail et de leur vie quotidienne. La compagnie d'infanterie de la Swisscoy 21 a assuré pendant six mois la garde de biens culturels (et ce de manière tout à fait réaliste suite aux émeutes de 2004), a fait office de réserve pour la KFOR, s'est tenue prête comme force réaction rapide dans un camp décentralisé, a patrouillé à pied et en véhicule dans son secteur d'engagement afin d'entretenir un lien avec la population, a gardé le camp de l'état-major de la KFOR, etc. Ces missions occupaient les fantassins en moyenne six jours par semaine et bien souvent plus de neuf heures par jour. A aucun moment les soldats suisses n'ont failli à leur mission et leurs partenaires internationaux (Autrichiens, Allemands et Turcs) se sont toujours montrés satisfaits. De tout ce travail, l'article de la Wetwoche ainsi que les autres organes de presse qui se sont empressés de participer à la campagne de l'UDC ne disent pratiquement rien. Prétendre par ailleurs que le temps libre des Suisses était inévitablement consacré à des beuveries serait mensonger, puisque de nombreux membres du contingent participèrent, par exemple, de manière tout à fait volontaire et sur leur temps de loisir, à des activités sportives organisées par les autres contingents.   volontaires de la compagnie d'infanterie au départ de la marche du contingent danois en octobre 2009 Cette négation sélective représente l'aspect le plus gênant mais il est également important de revenir sur les faits évoqués. Il y a eu de l'alcool, des fautes de discipline et peut-être des visites de maisons closes. Soit. Néanmoins, nul besoin du "désœuvrement" supposé par Le Matin pour en arriver à ces comportements. Il suffit d'observer les chantiers d'expatriés occidentaux dans les pays en développement ou tout simplement le quotidien historique des armées en mission pour s'en assurer. Pourquoi chercher à expliquer les comportements relâchés par un manque de travail prétendu là où il s'agit de l'exutoire, certes peu reluisant mais tellement banal, de jeunes gens éloignés pour des mois de leur environnement social? La Suisse elle-même permettait, dans le cadre de sa tradition de bons offices, aux prisonniers russes de Zugerberg de boire et même de recevoir la visite d'une prostituée. Nos médias s'attendent-ils donc réellement à ce que les Suisses soient meilleurs que tous les militaires et les civils placés dans des situations similaires? Alors il est juste de parler du verre à moitié vide, surtout s'il y a moyen de faire quelque chose pour améliorer la situation. Et il est normal que les partis souhaitant mettre un terme à la contribution suisse à la stabilisation des Balkans s'emparent de cette thématique au moment où la commission de sécurité se rend au Kosovo. Mais la partialité avec laquelle ce thème a été traité ne rend pas justice au travail que les Suisses accomplissent au Kosovo jour après jour et témoigne plutôt d'une légereté peu reluisante dans le traitement de l'information.
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