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Europe : fusion des États, fission des sociétés ?
En effet, si l'on suit les explications de l'historien britannique Niall Ferguson, spécialiste de la monnaie, il est plus facile de sortir de l'UE que de l'euro[2]. Si le Traité de Lisbonne prévoit la possibilité pour un État de quitter l'Union, ce n'est pas le cas pour l'euro où aucun mécanisme n'est prévu en la matière; un peu comme les conquistadores des Grandes Découvertes, l'UE a semble-t-il brûlé ses vaisseaux et rendu un retour en arrière quasi-impossible. De plus, matériellement une sortie de l'euro signifierait pour les États fortement endettés que leurs actifs seraient libellés en (nouvelle) monnaie nationale (drachme, lire, pesetas, etc.) tandis que leurs passifs resteraient libellé en euro: donc banqueroute assurée pour ces pays. A cette première explication touchant la quasi impossibilité de sortir de la monnaie unique tant institutionnellement que concrètement, Ferguson en ajoute une deuxième: une monnaie nécessite impérativement un système fiscal et budgétaire unifiés, c'est la condition fondamentale de son fonctionnement à moyen et long terme.
A mon avis, ce sont ces deux éléments structurels qui imposent une fédéralisation forcée de l'UE : une monnaie et l'appareil fiscalo-budgétaire l'accompagnant. L'euro a créé ainsi une dynamique débordant largement la capacité de décision des gouvernements, sans parler des réactions des populations. Il y a là un « moteur » au sens macro-historique, qui dicte le développement des sociétés en fonction de la logique défi-réponse[3]. On l'a d'ailleurs déjà vu à l'œuvre avec les changements de gouvernement en Italie et en Grèce, changements intervenus non pas suite à une élection mais sous la pression des marchés financiers.
Ouvrons brièvement ici une parenthèse pour rappeler les trois moyens dont dispose un État pour faire face au surendettement public : 1) l'inflation ; 2) la mise en faillite ; 3) la confiscation de la fortune privée. Dans le cas présent, les deux premiers sont exclus. Car la monnaie unique rend impossible toute politique inflationniste nationale. Il en va de même d'une mise en faillite autoproclamée (comme le fit l'Argentine il y a une dizaine d'années) ; la simple velléité de l'ancien Premier Ministre grec de soumettre à référendum le plan de renflouement proposé par le couple franco-allemand a conduit à sa démission immédiate. Ceci indique également que pour se mettre en faillite, un État doit pouvoir s'appuyer sur l'accord ou le consentement tacite d'une large majorité de sa classe politique et de la population ; l'exemple grec et dans une moindre mesure italien tendent à montrer que c'est loin d'être le cas en Europe pour l'instant. Il ne reste donc que la confiscation de la fortune privée. A cet égard, les pressions exercées sur les banques suisses en vue de taxer par tous les moyens l'épargne qui s'y trouve, conjuguées à la propagande visant à dénoncer les « profiteurs » qui chercheraient par ce biais à ne pas payer l'impôt, tout ceci témoigne que c'est bel et bien cette troisième voie - la confiscation de la fortune privée - qui est envisagée pour faire face au surendettement public.
Revenons au moteur évoqué plus haut à propos du rôle de la monnaie unique. Si une telle dynamique est à l'œuvre, vers quelle Europe fédérale se dirige-t-on : un « gouvernement européen » à Bruxelles comme semble le dire les décisions du dernier Sommet européen de décembre 2011 (pacte budgétaire[4]), ou bien une autre forme plus ad hoc ? Là aussi, je vois plutôt la seconde possibilité. Les réunions à répétition du G20 à l'instigation principale de la France et de l'Allemagne, les rencontres entre chefs d'États et de gouvernements et les premiers mécanismes régulateurs créés en dehors du cadre de la Commission européenne, les invitations contraignantes adressées à ces occasions aux responsables des gouvernements concernés (Grèce, Italie, etc.), le leadership assumé en la matière par la France (en apparence) et par l'Allemagne (réellement), tout cela indique une voie probable, à savoir non pas un fédéralisme dans le cadre institutionnel bruxellois mais une formule plus empirique dans laquelle, sous couvert intergouvernemental (Sommets, conférences ministérielles, réunions restreintes, etc.), l'Allemagne laisserait la France jouer le rôle de « puissance invitante » (afin de lui permettre de sauver la face) mais déterminerait le contenu de l'agenda réel. Outre les réunions en cascade précitées, un autre argument plaide en faveur d'une telle évolution: l'Allemagne connaît déjà au niveau national un système fiscal pouvant préfigurer celui d'une Europe fédéralisée « par contrainte ». Car, d'ores et déjà dans l'Allemagne des 16 Länder, il n'y a qu'un seul système fiscal au niveau fédéral; contrairement aux cantons suisses, les Länder ne disposent pas de compétences fiscales propres, ils ne lèvent pas l'impôt eux-mêmes. L'argent est collecté de manière centrale par le Bund et redistribué ensuite aux Länder au prorata de leur taille et de leur population.
Un tel système peut donc très bien s'adapter à un cas de fédéralisation forcée. Et en tenant ainsi les impôts, on peut ensuite dicter les priorités des politiques budgétaires nationales; un peu comme le FMI et la Banque mondiale ont imposé, dans les années 90, des ajustements budgétaires aux États africains en contrepartie des prêts accordés. Au passage, on retrouve donc la préoccupation actuelle de plusieurs historiens d'une africanisation de l'Europe (Cosandey, Attali).
Comment cette centralisation pourrait-elle se dérouler concrètement ? Les populations rempliraient-elles des déclarations fiscales « allemandes » qu'elles enverraient ensuite à Berlin ? Peu réaliste. En revanche, la formule du pot commun est utilisée de longue date dans l'UE pour différents programmes allant de la Politique agricole commune à la Recherche scientifique. Il est ainsi possible d'imaginer grosso modo un vaste pot commun rassemblant les finances des États européens en difficulté, pot commun géré par l'Allemagne (et sous présidence honorifique française) dictant la rigueur budgétaire nécessaire en contrepartie des plans de sauvetage octroyés à ces pays. A partir de là, la fédéralisation se réalise de fait, de manière pragmatique et empirique, sous la pression financière mais sans réforme institutionnelle de l'UE (que l'on sait vouée à l'échec depuis les référendums sur le projet de constitution européenne) - l'UE se trouvant en corollaire vidé, également de fait, de sa substance (Ferguson providebit).
Conséquences d'une telle évolution: 1) fusion étatique accrue et accélérée sous leadership monétaire et financier franco-ALLEMAND; 2) manifestations, émeutes et révoltes se développant de manière endémique en réaction aux politiques d'austérité; 3) militarisation exponentielle des polices nationales en réponse aux émeutes et révoltes ainsi que recours croissant aux sociétés de sécurité privées pour faire face à l'ensemble des besoins. Il faut en outre supposer que, d'une part les mouvements de type Wikileaks et Indignés auront d'ici là suffisamment discrédité les classes politiques nationales et que, d'autre part, le spectre du chaos et de l'anarchie aura été suffisamment agité, pour permettre à cette fédéralisation de ne pas se heurter à un obstacle démocratique trop important !
Il est intéressant de relever que les trois conséquences susmentionnées correspondent presque trait pour trait à celles de la Grande Dépression médiévale des XIVe et XVe siècles. Cette dépression intervient en effet avec la saturation de l'économie féodale et débouche sur un renforcement du pouvoir des classes dominantes, sur des révoltes urbaines (Ciompi à Florence, Jacques à Paris, etc.) ainsi que sur la militarisation accrue en raison des guerres endémiques et du recours à des mercenaires (les routiers)[5].
Bernard WICHT
Privat-docent, Institut d'études politiques et internationales, UNIL
[1] A ce stade, il est important d'insister sur cette dimension du « court terme », le moyen et long termes pouvant déboucher sur des conséquences assez différentes comme j'ai tenté de l'esquisser dans mon petit opuscule intitulé, Une nouvelle Guerre de Trente Ans : réflexion et hypothèse sur la crise actuelle, Nancy, Le Polémarque, 2011.
[2] http://www.washingtonpost.com/opinions/why-eu-collapse-is-more-likely-than-the-fall-of-the-euro/2011/11/17/gIQAuY6wZN_story.html ; http://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20110215trib000601439/pourquoi-la-survie-a-long-terme-de-l-euro-est-improbable.html
[3] Il importe de rappeler que l'évolution fondamentale des sociétés découle rarement des décisions des gouvernements et des plans établis par eux, ni des réflexions des philosophes. La raison humaine (comprise au sens d'un comportement dicté par des principes et un raisonnement apparemment rationnel) ne joue donc pas grand rôle. La plupart du temps c'est la pure logique défi-réponse qui dicte cette évolution et la direction de celle-ci dépend des dynamiques à l'œuvre et non tant des « réponses humaines » que l'on tente d'apporter. Ces dynamiques découlent essentiellement de l'économie, de la démographie, voire de la construction du pouvoir (au sens de prédation et hégémonie). A titre d'exemple en ce sens, il est frappant de constater que les Etats-Unis voient leur évolution actuelle dictée non tant par l'analyse rationnelle des besoins du pays et de la population, mais bel et bien par une dynamique purement hégémonique craignant l'émergence d'un peer competitor : d'où les nouveaux programmes d'armement, la défense du dollar par déstabilisation de l'euro alors que, pendant ce temps, à l'intérieur la société se délite à grande vitesse (notamment : de nombreuses petites villes devant renoncer à tout service public, la drogue en provenance du Mexique gangrénant déjà une moitié des Etats de l'Union). Ce sont de telles dynamiques qui décident et non les protestations, les historiens du temps long de Toynbee à Braudel l'ont maintes fois souligné.
[4] http://www.consilium.europa.eu/press/press-releases/latest-press-releases/newsroomrelated?bid=76&grp=20199&lang=fr&cmsId=339
[5] Guy BOIS, La grande dépression médiévale, XIVe - XVe siècles : le précédent d'une crise systémique, Paris, PUF, 2000 (Collection Actuel Marx Confrontation).
Décollage pour une mission de défense à bord de mon F-5 Tiger. Par mauvais temps, en volant dans ou au-dessus des nuages, les capacités limitées de mon système de navigation m'obligent à recevoir le soutien d'un contrôleur aérien qui me transmet par radio les directions à suivre pour rejoindre mon secteur d'engagement. Une fois arrivé, je suis en mesure de déterminer approximativement ma position et un contrôleur tactique surveille ma position tout en me donnant des informations sur la position des appareils alliés et ennemis. Basé sur ces données, je me construis mentalement une image de la situation tactique avant que ne soit conduite une attaque. Pendant la première partie de l'interception je suis totalement dépendant du contrôleur tactique car mon radar ne me permet en effet pas de détection à grande distance. Mon armement n'étant lui aussi engageable qu'à courte distance, je suis obligé de me rapprocher jusqu'au contact visuel de mon adversaire avant de pouvoir le combattre. Pour peu que ce dernier dispose d'un meilleur armement, je dois pour ce faire manœuvrer de manière optimale à de nombreuses reprises pour me protéger de ses tirs. Avec un peu de chance ou face à un adversaire mal entraîné, j'arrive enfin à une distance à laquelle, avec de l'expérience et le soutien adéquat du contrôleur tactique, j'obtiens un contact radar et ce peu avant de découvrir l'appareil ennemi visuellement. J'engage le combat et dois manœuvrer relativement longtemps, une fois encore sans erreur, afin d'obtenir une opportunité de tir. Le vol se poursuit avec une mission de police du ciel. La centrale d'engagement de défense aérienne a reçu une demande du contrôle aérien civil. Un avion semble avoir une panne de communications. Le contrôleur tactique m'annonce l'appareil à identifier et me guide tout au long de l'interception. Le guidage se termine environ 2 km derrière et 600 m plus bas que l'appareil qui vole dans les nuages. Je dois maintenant attendre de voir ma cible avant de pouvoir m'en approcher pour l'identifier. Mon radar de bord ne me livre pas d'informations suffisamment précises pour m'approcher d'avantage. Heureusement les nuages s'éclaircissent et je peux donc effectuer la mission d'identification. De nuit, le F-5 Tiger n'étant pas équipé d'un phare pour illuminer l'avion intercepté, un tel engagement aurait été impossible. Retour à la base, le plafond nuageux bas m'oblige à effectuer une approche aux instruments. Je ne dispose pas de système me permettant une approche autonome et suis par conséquent guidé par un contrôleur d'approche jusqu'au contact visuel avec la piste. Ce type de guidage étant moins précis qu'un système d'approche embarqué, je ne peux pas voler lorsque le plafond nuageux est très bas. Même type de mission, cette fois à bord d'un avion de combat moderne. Par tous les temps, les différents systèmes de navigation embarqués me permettent de rejoindre n'importe quel point, en suivant une route donnée et sans appui externe. Je connais en tout temps ma position exacte et dispose sur une carte digitale de toutes les informations géographiques et tactiques nécessaires à ma mission. Le contrôleur tactique m'annonce les différentes menaces en approche, que j'observe également représentées directement, ainsi que la position de mes alliés, sur un écran devant moi. Je suis en mesure de décider quelle est la meilleure tactique à adopter avant de déclencher l'attaque. A plusieurs dizaines de kilomètres le radar embarqué détecte les adversaires; je peux adapter la géométrie de mon interception et je peux désigner les cibles que je veux combattre par ordre de priorité. Grâce à mon missile radar actif je suis en mesure de combattre mes ennemis à plusieurs dizaines de kilomètres au-delà de la portée visuelle (BVR : beyond visual range); les particularités de ce type de missile permettent de terminer son vol de manière totalement autonome, je peux faire demi-tour avant d'être menacé par les missiles ennemis. Si malgré tout un appareil ennemi réussit à se rapprocher suffisamment de moi, un système de brouillage embarqué me protège jusqu'à ce que je puisse engager le combat et après quelques secondes de manœuvre, avec l'aide de mon viseur de casque, je peux engager mon missile à guidage thermique (infrarouge) à courte portée très agile qui tourne agressivement et détruit ma cible. La mission suivante est une mission de police du ciel. La centrale d'engagement a repéré un aéronef d'Etat étranger qui est entré sans autorisation de survol diplomatique (diplomatic clearances) dans notre espace aérien. Le contrôleur tactique m'annonce l'appareil à identifier, m'ordonne l'interception et m'indique une direction de vol initiale. Le radar de bord détecte rapidement mon objectif et je navigue dès lors de manière autonome, adaptant le chemin de vol pour une interception rapide. Equipé d'un capteur infrarouge et TV, j'ai la possibilité de commencer l'identification à plusieurs kilomètres de distance. Disposant d'un contact radar précis contenant de multiples informations comme l'altitude de vol, la vitesse de la cible ainsi que la vitesse de rapprochement, je peux me rapprocher à quelques centaines de mètres de l'avion à identifier et ce même de nuit ou dans les nuages. Dès lors les chances sont grandes d'établir le contact visuel avec la cible afin d'être en mesure de m'en rapprocher et ainsi procéder à son identification. De nuit grâce à un phare ou à des jumelles de vision nocturne (JVN) il m'est également possible d'effectuer cette mission. De plus comme l'avion est en liaison avec la centrale d'engagement par un système de liaison de données (Link 16), des images de ma cible prises depuis mon viseur de casque ou par le capteur infrarouge/TV y sont directement disponibles. Si nécessaires les images peuvent être transmises après le vol. Retour à la base. Grâce à différents systèmes de navigation embarqués il est possible, si les conditions météorologiques l'exigent, d'effectuer des approches aux instruments de manière autonome. La précision de ces systèmes et la présence d'un autopilote permettent d'approcher même dans de mauvaises conditions météorologiques. En résumé, là où le F-5 Tiger nécessite le soutien d'une station au sol, des conditions météorologiques favorables et de se rapprocher d'une cible avant de pouvoir la combattre, un avion moderne peut de manière autonome, par tous les temps, de jour comme de nuit et même à grandes distances, effectuer les missions de défense et de police aérienne qui incombent aux Forces aériennes. L'évolution technologique importante qui sépare ces deux générations d'avions de combat permet donc de garantir les missions, d'augmenter la sécurité des vols et d'assurer une défense efficace avec des pertes moindres contre des menaces potentielles actuelles. Comme l'évolution technologique ne s'arrête pas, il est indispensable que nos moyens de défense aérienne continuent à s'adapter afin de rester compétitifs. Le produit des Forces aériennes, la sûreté et la sécurité dans la troisième dimension pour la Suisse, dépend directement de notre capacité à nous améliorer sans cesse. D. M.
Colloque sur la dissuasion nucléaire française à l’Assemblée nationale
Lt col EMG Alexandre Vautravers Rédacteur en chef, RMS+http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/en-ligne-directe/ Une dissuasion nucléaire obsolète et coûteuse, pour quoi faire ? Car la dissuasion nucléaire fait débat en France. L’ancien Premier-ministre, Michel Rocard, ne mâche pas ses mots pour « une arme inutile et dangereuse (…) aujourd’hui. » Il apporte son soutien à l’initiative Global Zero qui vise à la disparition de celle-ci. Il regrette qu’au moment où les présidents Medvedev et Obama ont évoqué cette possibilité, ni la France, ni la Grande-Bretagne n’ont réagi. Revenant sur l’histoire des relations complexes du Parti socialiste (PS) avec la dissuasion, il laisse entendre que c’est l’arrivée de François Mitterrand au PS qui change la donne. Michel Rocard admet lui-même admet avoir « changé d’avis deux fois en deux sens » car si celle-ci était utile pour se défendre contre la menace de l’Est et garantir l’indépendance stratégique vis-à-vis de Washington, il admet que cette stratégie avait, déjà alors, ses lacunes : « le tiers de nos cibles était sur l’Allemagne de l’Est. Si cela s’était su, notre diplomatie était foutue. » A fortiori aujourd’hui, il s’agit d’une « dissuasion sans cible. » L’ancien ministre de la Défense, Hervé Morin, a inauguré le colloque en annonçant qu’il « partage les idées de Michel Rocard » : le nucléaire fait immédiatement ressortir les mots « absurde, opaque et tabou, » un « sujet sur lequel il y a un œcuménisme total. » Il critique la récente Loi de programmation militaire (LPM) française, qui a réalisé une diminution homothétique plutôt que de constituer les éléments distincts dont la France a besoin aujourd’hui : • un corps expéditionnaire de 6-7'000 militaires, capable d’intervenir de manière indépendante ; • des « briques » pour la coopération au sein de l’Union européenne (UE). Hervé Morin demande : « Quel est le cas où nous aurons besoin de la ceinture et des bretelles ? C’est-à-dire les deux composantes nucléaires : aérienne et sous-marine ? » La question se pose donc d’une mutualisation, voire de « l’abolition complète de l’arme nucléaire. » Car « le Traité de non-prolifération nucléaire de 1968 ne tiendra pas sur le long terme, face à un certain nombre de pays émergents (…) plus riches et plus puissants que nous (…) quelque soient les succès diplomatiques avec l’Iran. » L’armement nucléaire est donc indépendant de la menace ; les raisons de son maintien tiennent davantage de la politique intérieure, du lobby et du (manque d’) évolution des mentalités. Il faudra bien trancher. Or « François Hollande a même accentué ce fait en allant visiter un SNLE peu après son élection, à la manière du monarque se faisant sacrer à Reims. » Jean-Marie Collin, activiste du désarmement, propose d’ouvrir rapidement des discussions en vue d’une mutualisation avec la Grande-Bretagne. Car l’arme nucléaire coûte très cher : 1 milliard d’euro par an pour son fonctionnement, 6 milliards à brève échéance pour la modernisation du missile de croisière ASMP. Il demande le gel de la mise en œuvre d’un nouveau missile lancé par sous-marin (SSBN) M-51, ainsi que l’abandon de la construction du développement de sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE) de 3e génération. Le général de division (2S) Le Borgne présente la dissuasion en tant que « catéchisme imparable mais théorique. » Or l’efficacité de la dissuasion repose au moins autant sur des critères techniques que décisionnels. Or, de nos jours, peut-on imaginer un décideur occidental capable d’engager de telles armes ? Le général d’armée aérienne Bernard Norlain, de l’Institut des Hautes études de Défense nationale (IHEDN) évoque le « mythe de l’arme absolue » qui naît chez Renan. Il s’agit, pour lui, non d’une assurance-vie mais d’une « assurance-mort qui repose sur un pari : la responsabilité de l’Autre. » Il critique ainsi le discours lénifiant de l’indépendance et de l’autonomie stratégique. Yannick Queau, chercheur associé au GRIP de Bruxelles, critique les mythes construits autour de la dissuasion, à l’exemple du « minima » qu’on ne saurait définir. Il rappelle que la possession d’armes nucléaires n’a rien à voir avec le statut de membre permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Il critique enfin les lobbys industriels et militaires. Renoncer c’est décliner Philippe Wodka-Gallien, membre de l’Institut français d’analyse stratégique, répond que la défense conventionnelle coûte(rait) bien plus cher que le nucléaire. Le vice-amiral d’escadre (2S) Thierry d’Arbonneau, ancien commandant de la Force océanique stratégique (FOST), montre bien la problématique de l’abandon de la dissuasion dans le contexte d’un tir de missile russe au moment du sommet du G20 et de la crise ukrainienne, et au moment où la République populaire de Chine déclare unilatéralement une « zone identification aérienne » créant la contestation et la confusion de quatre Etats voisins. Il démontre que l’arme atomique a changé la position de la France dans la Communauté internationale, car « l’arme atomique donne le statut de grande puissance. » Bernard Sitt, directeur du Centre d’études de sécurité internationale et maîtrise des armements (CESIM), rappelle que le concept d’une « arme absolue » vient d’Alfred Nobel. Pour lui, le nucléaire compte quatre piliers que l’on ne saurait séparer : • La non prolifération ; • Le désarmement ; • Les applications civiles du nucléaire ; • La dissuasion. Il défend le Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) dont le passé est « plutôt robuste. » Ce traité avait d’ailleurs été lancé, à son origine (1964), pour empêcher la prolifération en France et en Chine. Mais il met en garde contre la prolifération inexorable, motivée par le besoin de sécurité (1), la norme ou le statut de grande puissance (2), enfin par des motivations de politique intérieure (3). Et de conclure que tous les Etats « proliférant » sont la proie de crises majeures : Corée du Nord, Irak, Iran, Libye, Syrie pour ne citer que ceux-ci. Camille Grand, directeur de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS), énumère les progrès techniques des vingt dernières années, afin de montrer que l’OTAN doit être en mesure de proposer, à moyen terme, un véritable système anti-missiles balistique (ABM). Les choix arrêtés sous l’administration Bush, d’un système basé à terre en Europe centrale, sont aujourd’hui remis en question. Le « pivot vers l’Asie » américain laisse donc une lacune béante qu’il s’agit de combler, techniquement ou politiquement. Et cet effort sera coûteux. Philippe Cothier, président d’honneur du Centre d’étude et de prospective stratégique (CEPS), appelle à un débat d’expert avant le débat public. Car « la doctrine ne tient plus. » Mais il met en garde contre l’abandon de cet outil stratégique : « Le pire qu’on pourrait laisser à nos enfants c’est un monde où l’arme nucléaire est dans les mains de la Corée du Nord, l’Iran etc et nous ne l’avons pas. » Le général de division (2S) Vincent Desportes, professeur associé à Sciences Po, rappelle que « ce qui compte, c’est l’équilibre. » Il existe un lien très fort entre les armes stratégiques et conventionnelles. On ne peut donc pas raisonnablement « sacraliser l’arme nucléaire » aux dépends des capacités conventionnelles. C’est la dialectique classique de Clausewitz entre vraie guerre (SOLL) et guerre réelle (IST). Il est donc nécessaire de trouver des adaptations : « la question taboue de la permanence à la mer doit être posée. » Peut-on imaginer davantage de coopération avec la Grande-Bretagne ? Doit-on remplacer les missiles chaque 6,5 ans en moyenne, soit deux fois plus vite que des armes conventionnelles ? Et de mettre en garde contre la constitution d’une nouvelle ligne Maginot… Bruno Tertrais, Maître de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) répond « on peut encore réduire. (…) C’est une question de choix politique ; mais jusque ici aucun chef d’Etat n’a accepté cette réduction. » Il prend la comparaison avec la Grande-Bretagne, où le système de navigation inertiel du SSBN Trident D5 équivaut au prix du missile M-51 français. Il avance également les arguments de l’adaptabilité de la doctrine, de l’inscription des armes nucléaires dans le droit international et dans le cadre du Traité de Lisbonne (article 46) sur la défense européenne commune. Pierre Pascallon évoque le thème de la « dissuasion concertée » entre Paris et Berlin, discussion lancée à l’époque de la crise des « euromissiles » du début des années 1980. A l’époque le Président Mitterrand ouvre la discussion avec son homologue le Chancelier Kohl, qui a entre-temps négocié la mise à disposition d’armes nucléaires américaines entreposées sur son sol. La « dissuasion concertée » puis « élargie » aux pays voisins est évoquée sous la présidence Giscard d’Estaing ; mais les membres de la Communauté européenne n’en veulent pas. Sous la présidence Chirac, la « sanctuarisation élargie » -une extension de la notion de riposte à une agression en Europe- conduit à des discussions sur le partage des tâches, notamment au sujet du Plateau d’Albion puis de la Force aérienne stratégique ; on évoque même une « double autorisation » pour l’engagement des armes atomiques. L’idée est de compenser la puissance économique de l’Allemagne avec la puissance militaire/stratégique française. Mais l’accueil européen est froid. En conclusion, « la dissuasion nucléaire, pour ceux qui y croient, n’est pas partageable. Et l’Allemagne ne s’intéresse pas à partager la dissuasion française. » A l’échelle européenne, « cela supposerait un seul Gouvernement / Etat fédéral européen. Nous sommes loin du compte. » A+V
Mai 2013, des précipitations exceptionnelles frappent d’Europe, saturant les sols et les cours d’eau. Une vague de 40 km de long et d’une dizaine de mètre de haut frappe l’Elbe et le Danube. 7 morts sont recensés, les dégâts sont estimés à 12 milliards d’euros. Heureusement, l’intervention rapide des forces civiles (pompiers, sécurité civile) et militaires permet de limiter les dégâts. La Bundeswehr a immédiatement mis ses moyens au service des autorités civiles. Les effectifs sont sollicités ainsi que des véhicules tactiques et engins du génie. Elle a rempli divers types de missions : renforcement des digues, évacuation de victimes, transport de matériels, mise à disposition de bâtiments (logement, accueil), nettoyage, reconnaissance. En terme capacitaire, cette intervention s’est traduite par 1’415 heures d’hélicoptères pour 4’268 tonnes de matériels transportés. Près de 2 millions de sacs de sable des dépôts de l’armée ont été utilisés; 2’900 lits de camps et autant de lits médicaux; 5’300 couvertures et 29 tentes; 400 pains d’explosifs; 2’300 tonnes de matériels ont été transportées par 143 véhicules militaires et 43 civils. La large dotation en moyens de transmissions Tetrapol a largement facilité la coopération entre moyens civils et militaires, révélant la bonne interopérabilité entre les systèmes d’information et de communication civils et militaires. L’emploi des hélicoptères a été déterminant, avec 29 machines au total, dont des NH90, ainsi que des avions de patrouille maritime. Apparaît également l’importance du commandement centralisé et de l’exécution Actualités Guillaume Belan
Légitimité et efficacité des sanctions économiques
Lt col EMG Alexandre Vautravers, Rédacteur en chef, RMS+Suisse, neutralité et sanctions internationales
Alexandre Vautravers, Directeur, Département de Relations internEurope Mad Max demain?
Yves Garcia Rédacteur adjoint, Revue militaire suisse (RMS)Bernard Wicht est un expert en stratégie et histoire militaire, membre du Conseil Scientifique de l’Institut d’Etudes Géopolitiques de Genève et privat-docent à l’Université de Lausanne. Europe Mad Max demain? Vers la défense citoyenne ou, plus simplement pour Bernard Wicht : le citoyen-soldat à l’ère du chaos. Dans un contexte international de « fusion des états » et « fission des sociétés, » Bernard Wicht nous rappelle que le citoyen-soldat a été et reste le premier pilier de la démocratie. Il nous amène également au-delà de la dimension suisse pour souligner l’importance de la responsabilité citoyenne qui est d’être en mesure d’assurer notre propre défense, celle de nos familles et celle de nos biens. Toutefois, là où la vision de Bernard Wicht se cristallise, c’est lorsqu’il avance la notion de « discours » rassembleur, ou l’importance des forces morales sur les forces matérielles ; un élément crucial à l’heure où les acteurs non-étatiques concurrencent les Etats. En effet, la réalité à l’ère de l’information n’est plus Staline demandant « Le pape ! Combien de divisions ? », mais belle et bien le pape demandant « Staline ! Quel discours ? »… Bernard Wicht, Europe Mad Max demain? Vers la défense citoyenne, publié aux éditions Favre, 14.00 €.
Boeing va s’employer à modifier les lanceurs d'armes existantes en soute, afin de permettre l’usage d’armes à guidage automatique en phase terminale. Pour l’US Air Force l’intérêt consiste à allié le temps de vol particulièrement long du B-52 avec la capacité de disposer d’un système d'armes efficace et polyvalent. Cette extension de capacité d'armes se joint au programme CONECT, qui concerne la mise à niveau globale des systèmes de communication en cours d'installation sur la flotte de B-52. Boeing va mettre au point trois lanceurs prototypes pour des évaluations. Le programme prévoit que les premiers B-52 puissent recevoir le nouvel équipement à partir du printemps 2016. Les B-52 seront alors capables de transporter 24’500 livres de munition de type Joint Direct Attack (JDAM) ou 20 JDAM de 2000 livres. Les phases ultérieures permettront d’ajouter l’antimissile ainsi que des engins Air-to-Surface Standoff, (JASSM) et sa variante de longue portée (JASSM-ER).
De nos jours, on peut se demander si des organisations sans territoire, mais dotées d’une réelle puissance financière et militaire, ne sont pas en train de supplanter l’État-nation ou, tout au moins, de le concurrencer de manière décisive: d’un côté, les diverses formes de groupes armés (des guérillas aux réseaux terroristes sans tête, en passant par les mafias ou les diasporas militairement organisées), de l’autre, les sociétés militaires privées (SMP). Si, dans ces conditions, l’ordre politique de l’État se délite, où se situe la participation des citoyens à la gestion des affaires communes ? Le retour de l’initiative individuelle via le web ne s’inscrit pas dans une logique de citoyenneté, mais dans une logique de «cause», celle nécessaire pour se battre. Mercredi 20 novembre 2013 à 18h30 Au Musée des Suisses dans le Monde – Domaine du Château de Penthes Salle Lefort Chemin de l’Impératrice 18, 1292 Pregny-Chambésy Prière de réserver votre place (nom et domaine d’activité professionnelle) : contact@geopolitics-geneva.ch
Allemagne: Plus de Phantômes dans le placard ?
Alexandre Vautravers Rédacteur en chef, Revue militaire suisse (La fin de la séparation des pouvoirs en Hongrie
László SólyomLe «Tiltrotor», d’AgustaWestland
Léo BarnierMi-avion, mi-hélico La structure de l'aéronef est largement faite de matériaux composites. Notamment sa surface extérieure en carbone et graphite. Il dispose de deux hélices carénées. Placées à l'horizontale, e1les assurent, comme sur un hé1icoptère, la sustentation de 1'appareil lors des phases d'atterrissage et de décollage. Elles peuvent ensuite basculer progressivement à plus de 90o vers l'avant et fournir la propulsion du drone. L’essentiel de 1a portance est alors assuré par les deux ailes. Celles-ci sont amovibles pour les missions uniquement «hélicoptère». Des élevons, en arrière de la voilure, assurent le tangage et le roulis, tandis que la stabilité longitudinale est obtenue grâce à un court empennage double, taillé en V. Selon les brevets déposés aux Etats-Unis er en Europe, le Project Zero est conçu pour atteindre et maintenir une vitesse de croisière d'environ 500 km/h, au-de1à des 300 km,/h de vitesse de croisière d'un hélicoptère. Il devrait être capable d'opérer à une altitude de 7500 m. Tout l'appareil est articulé autour de son moteur électrique. Les rotors et 1es gouvernes sont mus par des actionneurs électromécaniques. Il est ainsi dépourvu de systèmes de transmission mécanique ou hydraulique, d'où une cellule allégée. Cet aspect à 100% électrique lui permet aussi d'évoluer dans des environnements dépourvus d’oxygène. Par ailleurs, ses batteries peuvent être rechargées de façon autonome, au sol, l'appareil se servant alors de ses hélices comme éoliennes. (…) Une motorisation hybride électrique-diesel est à 1'étude avec Ansaldo Energia, tandis que Selex ES travaille sur la gestion logicielle des commandes de vol, et AnsaldoBreda sur l'onduleur du moteur électrique et son algorithme de contrôle. Agusta Westland souligne que c'est la première fois qu'une telle coopération a lieu à 1'échelle du groupe. Une dizaine d'industriels étrangers (du Japon, des Etats-Unis...) sont aussi concernés par le projet. Air & Cosmos No 2353, 5 avril 2013.
«Vigipirate» en France
D’après capitaine Lionel Pétillon – Armée et Défense, Réserve etLes mesures de base, indispensables même en l'absence de menace grave, constituent la posture permanente de sécurité. S'y ajoutent des mesures graduées qui sont réexaminées régulièrement par les services spécialisés selon un rythme adapté à l'évolution de la situation nationale et internationale. «Vigipirate» est déclenché pour la première fois le 2 janvier 1991, au début de la guerre du Golfe. Les mesures préparées pour chaque niveau répondent à des objectifs précis. La mise en place, à compter du 20 mars 2003, d'un code couleur pour les niveaux d'alerte, a permis de rendre le dispositif très lisible, facilitant une réelle prise de conscience par la population. «Vigipirate» comporte dès quatre niveaux d'alerte rendus publics, matérialisés par les couleurs jaune, orange, rouge et écarlate. Le niveau le plus faible (jaune) est celui d'une menace diffuse. Le plus élevé (écarlate) vise à prévenir le risque imminent d'attentats majeurs. Cette décision intervient lors du déclenchement de la Guerre d'Irak, le niveau orange étant alors décrété. Depuis le 7 juillet 2005, date de la première vague d'attentats dans les transports en commun de Londres, «Vigipirate» a constamment été maintenu au niveau rouge; l'état de la menace terroriste pesant sur la France n'ayant pas diminué. Le démantèlement de cellules terroristes dans plusieurs pays d'Europe a confirmé le niveau élevé de cette menace. «Vigipirate» comprend plus de 400 mesures qui touchent tous les secteurs de la société. Certaines sont actives, d'autres ne le sont pas mais peuvent l'être en fonction de l'évolution de la menace terroriste qui fait l'objet d'un suivi permanent. La contribution militaire Depuis 1996, «Vigipirate» a fait patrouiller plus de 200’000 militaires des trois armées. Environ 1’200 militaires (chiffres d'août 2012) sont impliqués en permanence. Au niveau terrestre, environ 650 hommes des trois armées sont mobilisés dont 450 en Ile-de-France et 200 sur le reste du territoire national. Parmi eux, un certain nombre de réseevistes, près d'un millier par an ! Parmi les 1’741 réseryistes ayant servi en 2008 dans le cadre d'une MISSINT, 975 ont été affectés à «Vigipirate» (927 en 2009). Selon un rapport de la Commission consultative des réservistes de l’Armée de terre, les objectifs du Commandement des forces terrestres pour juillet-août 2012 étaient, en termes de contribution de la réserve aux engagements opérationnels, de puiser dans la réserve au moins le 50% des effectifs «Vigipirate». En complément du dispositif terrestre, «Vigipirate» comprend également un dispositif d'alerte permanent pour la défense aérienne et maritime. Il se caractérise par le contrôle de l'espace aérien (patrouilles aériennes et surveillance des zones sensibles telles que les centrales nucléaires) et survol des approches maritimes et des ports. «Vigimer» est assumé par environ 300 militaires (marins et gendarmes maritimes), 2 bâtiments, 59 sémaphores et 1 avion de patrouille maritime. La posture permanente de sécurité aérienne compte environ 220 militaires, 8 avions de combat, 5 hélicoptères, 1 avion C-135 et un avion E-3F.