Patrick Nyfeler

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Seuls 12% des Suisses contre l'armée
L'exercice "ROVER 08" a été un démonstrateur technologique et tactique de premier plan, qui reste une source de réflexions et d'enseignements pour l'avenir de l'armée. Voici une version traduite et adaptée de l'article paru sous la plume du capitaine Patrick Nyfeler à ce sujet dans le Schweizer Soldat en 2008. Dans le cadre de l'exercice "ROVER 08", un essai de grande envergure sur le thème ISTAR (formation de senseurs d'exploration assistée par réseau et disposant de matériels d'analyse sensorielle multi-spectrale) a eu lieu sur le terrain, du 10 mars au 4 avril 2008, dans le secteur Berne-Gerlafingen-Berthoud-Thoune. Il s'agissait en l'occurrence d'analyser, au cours d'une intervention en temps réel, l'interaction de différents capteurs de reconnaissance, du satellite de reconnaissance au fantassin explorateur. Dans le cadre de la planification d'A XXI, le chef de l'état-major de planification de l'armée avait chargé un groupe de travail de réaliser une étude conceptuelle « Reconnaissance ». C'est ainsi que, d'une part, ont été définies les exigences de la collecte de renseignements, qu'il a été procédé à une évaluation des sites et que, d'autre part, ont été mis en évidence les faiblesses et les points à améliorer. Le projet correspondant, dans le cadre duquel avait déjà lieu le troisième exercice "ROVER" avec essai sur le terrain, avait été lancé sous la direction du lieutenant?colonel EMG André Kotoun, alors chef du commando d'essais ISTAR de l'armée.   ISTAR Que recouvre exactement le concept ISTAR ? Il est fréquent que non seulement ISTAR soit cité en même temps que « SIC FT » (système d'informations de conduite des forces terrestres ; C4I = Command, Control, Communication, Computers, système d'information), mais soit également confondu avec ce dernier. Cependant, alors que le SIC FT est un système de conduite et de communication, ISTAR constitue seulement la source des informations du service de renseignement, permettant d'engager les opérations de conduite. Pour simplifier, ISTAR (Intelligence, Surveillance, Target Acquisition, système de reconnaissance) n'est rien d'autre qu'une formation de senseurs d'exploration. Cela signifie que des capteurs multi-spectraux sont exploités en partie automatiquement afin de maîtriser au mieux le gigantesque flux de renseignements avant de transmettre ou de diffuser des informations. On peut ainsi, à partir des différentes informations fournies par les capteurs et sources les plus divers, établir un message beaucoup plus précis et plus fiable que ce qu'il est possible de faire actuellement en considérant isolément les résultats de différents moyens de reconnaissance. Outre l'exploitation des informations entrantes, suivie de leur transmission et de leur diffusion, le facteur temps joue un rôle central. Il n'est possible de se faire une idée précise de telle ou telle situation qu'en utilisant de façon ciblée les capteurs les plus divers, et seul le recours à des systèmes ultramodernes de traitement et d'exploitation des renseignements permet d'obtenir, à partir de ce flux de données, une image réelle d'une situation donnée. Négliger l'un de ces deux composants compromet le traitement des renseignements concernant l'ennemi ou l'adversaire, ce qui a des effets négatifs directs considérables sur la planification et la conduite des interventions.   D'innombrables yeux, un seul cerveau Mais que sont exactement les « yeux » de ce renseignement intégré ISTAR ? Pour la reconnaissance au sol, des éléments d'explorations des formations de reconnaissance d'armée et de grenadiers (FRAG, c'est-à-dire les forces spéciales) ont été envoyés dans le secteur, alors que le véhicule commandant de tir, sur base de MOWAG Eagle, a été engagé. Ce passage du véhicule de reconnaissance 93 ou 93/97 au véhicule commandant de tir a été décidé, car une version légèrement modifiée du système INTAFF a été utilisée pour la diffusion des informations au sein du renseignement intégré et pour l'interconnexion. Par ailleurs, le drone de reconnaissance ADS 95 a été engagé comme drone de reconnaissance « lourd » au-dessus de la zone d'exercice. Cependant, comme il ne s'agit pas d'une simple reconnaissance visuelle, dans le cadre du renseignement intégré ISTAR des troupes spécialisées dans la guerre électronique ont été engagées en plus pour détecter les sites des antennes adverses et procéder aussi, justement, en analysant leurs émissions, à une identification ou pour le moins à une hiérarchisation des objectifs détectés.   En plus de ces systèmes bien connus, les moyens de reconnaissance suivants ont été mis en œuvre depuis l'extérieur : Satellite de reconnaissance : comme capteur fournissant des photos, les unités participant aux essais disposent de capacités de prise de vue sur les satellites de reconnaissance EROS A et EROS B, qui survolent la zone d'exercice plusieurs fois par jour et fournissent des photos prises depuis une altitude de 500 km dont la résolution peut atteindre 0,7 m. Mini-drone : ce système pouvant être déployé par un groupe comporte 4 sacs à dos de transport et fournit, selon la tête utilisée, des images vidéo diurnes ou nocturnes couvrant plusieurs kilomètres. Ballon aérostatique : un treuil permet de positionner le ballon aérostatique à plusieurs centaines de mètres d'altitude où, grâce à sa voilure spéciale, il conserve de lui?même sa position si la vitesse du vent est inférieure à 100 km/h. Une caméra à rotation complète, pouvant prendre des clichés de jour comme de nuit, est fixée sur le ballon. MOS (Mobile Observation System) : le Mobile Observation System (MOS) comprend un radar de combat de terrain, un système de caméras orientables et pivotant sur 360 degrés et un système de vision panoramique.   Objectifs de "ROVER 08" L'objectif principal de l'exercice "ROVER 08" comprenait en particulier, outre le contrôle de la bonne collaboration du renseignement intégré, le test du processus d'exploitation des informations dans la centrale d'exploitation des renseignements et l'adaptation du concept d'intervention du bat expl/ISTAR type C (mais aussi, indirectement, du bataillon blindé de reconnaissance). Lors de l'essai à la troupe de 2008, l'accent avait été mis sur : l'évaluation des capteurs le déploiement des capteurs   la compression et l'intégration des renseignements la (pré-)exploitation des renseignements la production du service de renseignement les processus de collaboration et les interfaces entre le bat expl/ISTAR et le DBC au niveau 2 de la formation d'intervention Par ailleurs, dans le cadre de l'essai sur le terrain 2008, devaient être précisées les exigences pour l'instant sommairement formulées à satisfaire par le TASYS (système tactique de reconnaissance) à partir du concept d'intervention du bataillon ISTAR (de reconnaissance) de type C (C pour combat), du concept d'intervention du bataillon blindé de reconnaissance et des expériences acquises lors des précédents essais sur le terrain. Pour ce faire, c'est à l'occasion d'une mise en pratique de l'intervention des forces (avec utilisation d'appareils de démonstration des capteurs, des systèmes de fusion des renseignements et du système de diffusion) que seront élaborés et définis dans toute la mesure du possible les exigences et les besoins en moyens et possibilités (c'est-à-dire les exigences imposées au système pour une intervention tactique menée dans les conditions du combat, y compris à couvert et en zone urbaine).   Unité de doctrine électronique L'idée de base du TASYS est que l'utilisateur dispose toujours de la même interface, analogue à l'interface Windows des micro-ordinateurs domestiques ; il s'agit donc d'une IHM (interface homme-machine) qui, comme il a déjà été dit, doit permettre la diffusion des informations au sein du réseau de reconnaissance et de renseignements tout en demeurant simple et donc compatible avec le système de milice. De la sorte, le dispositif de reconnaissance peut alors être construit de façon modulaire en ce qui concerne les capteurs (jour, nuit, radar, etc.) ainsi que la protection et la mobilité (véhicule à roues ou à chenilles au degré de protection faible/fort, ballon, drone, etc.) sans que cela n'entraîne pour autant des changements pour les données et les processus. Il est ainsi possible de garantir la reconnaissance et la surveillance avec seulement le ballon géostatique et le MOS ; cependant, l'autre extrémité du spectre peut être une reconnaissance menée par la force, par exemple lorsque l'ennemi/l'adversaire est embusqué en zone urbaine. Dans ce cas, pour parler familièrement, on tâte le terrain pour voir ce qu'il en est.   Pour réaliser un exercice qui soit le plus réaliste possible et vérifier système et processus en temps réel, nos propres troupes ont été engagées comme marqueurs sur le terrain, permettant de simuler unités de reconnaissance et de combat ennemies selon des « artifices » bien connus et, à l'intérieur des installations d'exercice, d'autres acteurs jouaient le rôle d'un adversaire (civil), également détecté avec succès. Pour conclure, il convient de constater que le recours à ce renseignement intégré actif n'était pas uniquement impressionnant, mais aussi très fructueux. Il montre à tous les observateurs des conflits actuels, ayant dépassé ou non le seuil de la guerre, que les missions de l'armée ne peuvent être menées à bien qu'avec un système approprié d'acquisition, d'exploitation et de diffusion des renseignements. Les commandants doivent s'en convaincre, même si cela heurte leurs habitudes de pensée, et ils doivent aussi apprendre à se tenir loin des postes d'observation traditionnels. Avec des instruments tels que le bataillon ISTAR, de nouveaux moyens qui, lors d'une opération, fourniront un avantage décisif pour la planification et la conduite des engagements seront alors disponibles.   Cap Patrick Nyfeler Of EM bat gren 30 et rédacteur du Schweizer Soldat
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