Fariborz Haghshenass

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Seuls 12% des Suisses contre l'armée
Comment résister à une puissante armada américaine ? Les Iraniens se sont dotés d'unités légères susceptibles d'attaquer par surprise et de se disperser rapidement après avoir tiré leurs missiles. Considérant le golfe Persique comme un théâtre d'opérations majeur dans l'éventualité d'une confrontation avec les Etats-Unis, les Iraniens consacrent depuis plus de dix ans une part importante de leur budget militaire à leurs forces navales. Et cet effort est consenti dans le cadre d'une doctrine de guerre navale qui correspond à leur éthique révolutionnaire. Ils ont en effet mis au point des tactiques nouvelles, asymétriques, qui exploitent les avantages de la situation géographique du pays et qui jouent sur les vulnérabilités de ses ennemis. Cette doctrine a été développée, à l'époque de la guerre contre l'Irak, au sein des forces armées iraniennes, en particulier par les gardiens de la révolution (pasdarans). Les valeurs révolutionnaires chiites telles que l'endurance stoïque et la dévotion à la cause se sont vu accorder une importance égale, sinon supérieure, aux principes militaires traditionnels que sont la réalisation de la mission et l'accomplissement des objectifs. Selon cette doctrine, le combat en tant qu'acte, les efforts poussés à l'extrême, l'accomplissement du devoir religieux (et national) sont autant de buts. Le résultat revêt dès lors une importance secondaire. Pour ses partisans, le martyre est une perspective bienvenue. Toutefois, la volonté de mourir n'est pas considérée comme un substitut à l'efficacité. Le concept iranien de guerre repose aussi sur l'utilisation d'un armement moderne et sur des tactiques novatrices, combinaison utilisée avec succès sur le terrain par le protégé de l'Iran au Sud-Liban - le mouvement chiite libanais Hezbollah - dans le conflit contre Israël l'été dernier. Cette doctrine avait déjà été illustrée par une succession d'engagements navals contre la marine américaine en avril 1988, à un moment où la guerre Iran-Irak entrait dans sa phase finale. Les forces iraniennes, surclassées, avaient affronté des unités navales américaines dans le golfe Persique. Non sans essuyer de lourdes pertes. L'expérience a enseigné à Téhéran que les grands bâtiments de surface sont vulnérables aux missiles et aux attaques aériennes et a confirmé l'efficacité des opérations menées à l'aide de petites embarcations ; ce qui a suscité par la suite l'intérêt de l'état-major pour les unités rapides armées de missiles. L'affaire a également permis à l'Iran de perfectionner ses tactiques de saturation, qui constituent l'axe de son approche actuelle de la guerre navale asymétrique. Les tactiques de débordement n'ont rien de nouveau : elles sont pratiquées par les forces terrestres depuis des milliers d'années. Elles nécessitent des forces légères, mobiles, dotées d'une puissance de feu substantielle, capables de se concentrer rapidement pour attaquer un ennemi à partir de plusieurs directions en même temps, puis de se disperser tout aussi vite. Les tactiques de débordement naval iraniennes mettent l'accent sur le besoin de surprendre et d'isoler les forces ennemies, et de prévenir leur renforcement ou leur ravitaillement, détruisant ainsi le moral et la combativité de l'adversaire. L'Iran a pratiqué à la fois le débordement de masse et le débordement en ordre dispersé. La première tactique passe par le recours à des grandes formations, rassemblant des centaines de petits bateaux maniables et légèrement armés qui partent de plusieurs bases puis convergent pour attaquer une cible ou un groupe de cibles. La seconde fait appel à un petit nombre de patrouilleurs lance-missiles ou lance-torpilles très maniables, qui se déplacent seuls, à partir d'emplacements dispersés et camouflés, puis convergent pour attaquer une cible unique ou un groupe de cibles (comme un convoi de pétroliers). La tactique du débordement dispersé est beaucoup plus difficile à détecter et à repousser car l'attaquant n'opère jamais en grandes formations. Si une guerre devait s'engager prochainement, les forces navales iraniennes s'efforceraient aussitôt de fermer le détroit d'Ormuz et de détruire les forces ennemies prises au piège dans le golfe Persique. La vitesse et la surprise seraient par conséquent des éléments clés. Les forces navales iraniennes chercheraient à identifier et à attaquer dès que possible les points forts du dispositif ennemi, et à infliger un maximum de pertes avant que le contact avec les unités subordonnées ne soit perdu du fait des contre-attaques adverses. L'Iran peut compter sur la géographie. Les grandes routes maritimes étant proches du littoral du pays, qui est très découpé car montagneux et long de 2 000 kilomètres, les unités navales iraniennes peuvent quitter leurs bases et attaquer presque immédiatement les bâtiments ennemis. Par ailleurs, des batteries de missiles antinavires basées sur le littoral peuvent atteindre des cibles presque partout dans le golfe Persique et le golfe d'Oman. Pour se doter de cette capacité et pour améliorer la durabilité de ses forces sur le littoral, l'Iran a consacré d'importants efforts à l'accroissement de la portée de variantes locales de missiles chinois comme le HY-2 Silkworm et le C-802 (de 50 à 300 kilomètres et de 120 à 170 kilomètres respectivement). Il a également développé des missiles antinavires héliportés à longue portée. Les succès remportés par les guérilleros du Hezbollah, qui ont eu recours à des tactiques comparables contre des forces israéliennes supérieures en nombre et en armement, permettent d'entrevoir ce que risque de rencontrer la marine américaine dans l'éventualité d'un affrontement avec l'Iran dans le golfe Persique. F. H. (article traduit du Washington Institute for Near East Policy)
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