Stéphane Montabert

La police genevoise sur la sellette

Certains éléments de la police du canton du bout du lac font-ils usage d'une force excessive lors des arrestations, voire de la torture lors des interrogatoires?

Suite aux troubles fréquents de la prison de Champ-Dollon - des menaces de grève de la faim, une violence endémique et des pétitions de détenus - le Grand Conseil a mandaté trois experts pour enquêter sur les causes de la surpopulation chronique de la prison. Les révélations surprennent et débordent largement du milieu carcéral.

Le rapport, mentionné mercredi dans 24 Heures, Le Temps et La Tribune de Genève entre autres, met l'accent sur le recours excessif à la détention préventive, tant dans la fréquence que dans la durée. Mais surtout, il met gravement en cause le travail de la police en amont, bien avant qu'un accusé vienne croupir en cellule dans l'attente de son procès. 

Le fait que les détenus de Champ-Dollon soient bien trop peu nombreux à être passé en jugement avant d'être incarcérés n'est finalement qu'une partie, somme toute relative, du problème. En évoquant la police, le rapport va beaucoup plus loin en mentionnant des actes qui s'apparentent à de la torture:

Coups de pied, gifles, rackets, suffocation durant les interrogatoires. Un rapport d’experts dénonce les violences policières subies par des prévenus lors d’interpellations ou dans les salles d’audition. La plupart des abus allégués sont commis par des inspecteurs de la police judiciaire sur des individus souvent menottés.(...)

Le rapport évoque aussi le cas d’un mineur victime de «submarino». En clair, ce dernier déclare qu’un policier lui a plongé et maintenu la tête dans une corbeille à papier remplie d’eau.

Les trois experts mandatés, Christian-Nils Robert, Barbara Bernath et Jean-Pierre Restellini, ont auditionné 125 détenus. Sur ce total, 38 se sont plaints de mauvais traitements physiques.

Après ces révélations, les langues se délient à l'extérieur de la prison. Les deux quotidiens gratuits 20 Minutes et Matin Bleu ont par exemple mentionné aujourd'hui les témoignages d'individus qui ont eu affaire à la police et se disent eux aussi victimes de violences:

Vers 20 h, alors qu’il rentrait chez lui après avoir vendu une barrette de shit dans un parc, "Michel" a été assailli par quatre policiers. Mis à terre sans ménagement, frappé et menotté, il a été emmené au poste de police où il a passé une nuit dont il garde autant de mauvais souvenirs que de stigmates.

Evidemment, on peut toujours mettre en doute les récriminations d'un vendeur de shit. La parole d'un malfrat ne pèse pas lourd face à celle d'un fonctionnaire assermenté. Mais la multiplication d'histoires de ce genre finit par semer le trouble sur la réputation de la police genevoise.

Il est clair que les policiers n'ont pas la tâche facile. Obligés de neutraliser des prévenus qui ne s'avèrent pas toujours aussi calmes que quand ils témoignent de leur mésaventure à des journalistes ou des experts du gouvernement, les policiers doivent parfois faire usage de la force. La question concerne toujours sa proportion - surtout face à un individu désarmé, coopératif et/ou menotté. Est-ce pour "marquer le coup", par habitude, et prévenir toute tentative stupide d'évasion ou de violence? Est-ce une forme de préparation psychologique à l'interrogatoire qui va suivre? Est-ce simplement l'occasion pour des fonctionnaires violents de céder à leur pulsion face à des cibles en position d'infériorité, en toute impunité? On ne peut malheureusement pas être sûr de la moindre hypothèse. 

Jean-Pierre Restellini, l’un des experts mandatés pour le rapport et qui travaille comme membre du Comité européen pour la prévention de la torture, affirme désormais qu'il faut «créer une inspection générale des services» et améliorer la formation des policiers. Il est vrai que la surveillance est plutôt élémentaire, avec seulement six commissaires qui assurent ce rôle essentiel - en plus de leur travail.

En plus ou à la place, peut-être devrait-on introduire davantage d'enregistrement audio et vidéo dans les postes de police, voire pour les patrouilles lorsqu'elles en arrivent à effectuer une arrestation, de la même façon que les policiers de la route, aux Etats-Unis, sont constamment filmés lorsqu'ils arrêtent le moindre véhicule. Même s'ils ne donnent pas l'occasion de retranscrire l'intégralité de l'atmosphère d'une scène, ces enregistrements permettraient certainement de lever le doute de bien des exactions dont les policiers genevois sont accusés.

Et naturellement, il reste au législateur à déterminer précisément quelles sont les méthodes d'arrestation et d'interrogation acceptables et celles qui ne le sont pas - ce qui est loin d'être facile.

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Lors de l'évacuation de deux familles de colons de Hébron, en Cisjordanie, l'armée israélienne s'est frottée à une difficulté inattendue: une trentaine de soldats a refusé de participer à l'opération... Pour des motifs religieux. L'information est rapportée dans le journal Le Temps de mercredi. Les objecteurs ont été bien trop peu nombreux pour compromettre la manoeuvre; 3'000 hommes étaient mobilisés. En revanche, ils étaient membres d'une unité d'élite, ce qui jette un sérieux doute sur la fiabilité que Tsahal peut accorder à ses soldats les plus religieux, fussent-ils intégrés dans une unité prestigieuse. Israël fait face à une situation étrange: alors que les laïcs sont obligés de servir - et réticents, comme le révèle ce billet - les religieux, bien que théoriquement exemptés de service militaire, se portent volontaires en grand nombre: [La] volonté de servir ne cesse d'augmenter dans les cercles nationalistes religieux, principalement constitués de colons. En 2006, par exemple, 55% des membres des unités d'élite de Tsahal et des diplômés de l'école d'officiers de la Force terrestre provenaient des colonies ou avaient effectué leurs études dans des Yeshivot hesder (écoles talmudiques). Cela alors que les nationalistes religieux ne représentent pas plus de 20% de la population juive du pays. Malheureusement, cette volonté de contribuer à la défense d'Israël ne vient pas sans contrepartie: une vision particulièrement exigeante de ce que cette défense du pays doit être, et surtout, ce qu'elle ne doit pas devenir. En cas de doute, les indécis peuvent s'en référer aux autorités religieuses; ainsi, les éléments d'élite de Tsahal ont préféré suivre les recommandations de rabbins leur interdisant de participer à cette mission plutôt que de respecter les ordres de leurs supérieurs hiérarchiques. Sur le plan opérationnel, les risques sont évidents, comme l'explique le député progressiste Ran Cohen du Meretz: "Il faut trancher dans le vif si nous ne voulons pas que notre armée tombe en morceaux. (...) Ce phénomène est apparu durant l'évacuation de la bande de Gaza et il s'est étendu. Il constitue un danger pour l'armée et pour notre système démocratique. Si nous n'y prenons pas garde, Tsahal deviendra une sorte d'auberge espagnole, où chacun acceptera ou non de participer à des opérations en fonction de ses idées politiques ou de la profondeur de sa foi." Dans tous les pays du monde, les soldats, et encore plus ceux issus de la conscriptions, sont tiraillés entre l'obligation d'obéissance et leurs convictions personnelles. Dans ce dilemme, la piété tient une place à part: que vaut l'ordre ponctuel d'un supérieur militaire terrestre face à aux obligations célestes mettant en jeu l'âme éternelle d'un croyant?Evidemment, les obligations n'entrent en conflit que lorsque les circonstances amènent une incompatibilité entre les deux. Un soldat en temps de paix à qui on demande de balayer la caserne ne risque guère de s'arracher les cheveux devant une impasse morale insoluble. En revanche, en situation de stress, dans des circonstances qui décident de la vie et de la mort, ces questions sont nettement plus susceptibles de ressurgir. L'interdiction de tuer imposée aux croyants ne pose problème que le jour où un militaire doit tuer. La vision biblique du Grand Israël ne pose problème que le jour où la mission de l'armée consiste à évacuer de forces des colons juifs orthodoxes installés en Cisjordanie. On peut penser que ces défis sont circonscrits à Tsahal, l'armée nationale d'un Etat imprégné du parfum de la théocratie. Mais on peut aussi estimer que ces problèmes sont exacerbés, non par la piété des soldats, mais par les missions de combat auxquelles ils font face. Dans d'autres pays du monde, combien de conscrits ou de volontaires accepteraient d'accomplir une mission frappée d'un interdit religieux? Tant que l'armée se cantonne à des exercices et des simulations, nul ne peut y répondre.
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Selon des révélations publiées le 2 juillet dans le journal Le Monde, la France a soutenu le régime rwandais pendant la période 1990-1994 en ayant parfaitement connaissance des prémices de génocide dans le pays. Cela contredit nettement les affirmations officielles selon lesquelles les massacres ont pris les troupes françaises par surprise. Il ne s'agit pas que d'une question purement anecdotique. Certains de ces documents ont été transmis le 27 juin à la juge d'instruction du Tribunal aux armées de Paris Florence Michon, chargée d'une information judiciaire ouverte en décembre 2005 pour "complicité de génocide" et "complicité de crime contre l'humanité" visant l'armée française. Le Rwanda accuse Paris d'avoir soutenu les forces qui ont commis le génocide et l'armée française d'avoir facilité la fuite des génocidaires dans le cadre de l'opération militaro-humanitaire Turquoise, en été 1994, sous mandat de l'ONU. Mais le procès oblige à rouvrir certains dossiers plus anciens, remontant des années auparavant, et met en lumière la force des liens entre Paris et Kigali. Quelques extraits de l'article du Monde permettent de mieux comprendre comment la France s'est laissée impliquer dans un génocide. A partir de la fin de l'année 1990, plus de trois ans avant le déclenchement du génocide, l'Elysée avait reçu des signaux d'alerte diplomatiques et militaires. Des signaux aussitôt négligés, au nom d'une vision conservatrice façonnée par l'histoire coloniale de la politique africaine de la France. Le 3 octobre 1990, le régime rwandais sollicite l'appui de la France contre l'offensive conduite par le FPR. François Mitterrand décide de l'envoi d'une compagnie du 2e régiment étranger de parachutistes afin de protéger, voire d'évacuer, les Français sur place. Le détachement Noroit restera trois ans. Ses effectifs monteront jusqu'à 680hommes, soit quatre compagnies. (...) [Dès] octobre 1990, le colonel Galinié, attaché de défense à Kigali, s'alarme dans un télégramme diplomatique (...) que le conflit finisse par dégénérer en guerre ethnique." Mais il y a plus important que l'éventuel affrontement entre Hutus et Tutsis: Et à l'Elysée? On pense stratégie, front contre front. Il faut aider Habyarimana coûte que coûte et endiguer l'influence anglo-saxonne dans la région portée par l'Ouganda (...) Mais la situation se dégrade. Le soutien français au régime n'apporte pas de résultats. "La guerre déstabilise et radicalise de plus en plus" le Rwanda, affirme même Paul Dijoud, le directeur des affaires africaines du Quai, dans une note du 11 mars 1992 qui appelle à un renforcement de l'appui de la France à Kigali. Les livraisons d'armes s'accélèrent. Le terme génocide est employé pour la première fois en janvier 1993 - un an et demi avant la date officielle du début des massacres - par l'ambassadeur français, comme un but recherché par le pouvoir: [Le président rwandais] aurait intimé "l'ordre de procéder à un génocide systématique en utilisant, si nécessaire, le concours de l'armée et en impliquant la population locale dans les assassinats", rapporte l'ambassadeur. Là encore, pour l'Elysée, les priorités sont toutes autres; peu importe les exactions du régime, il s'agit de le préserver, car une menace bien pire pèse sur l'avenir du pays: le FPR est en mesure de prendre Kigali, bénéficiant entre autres de la "complicité bienveillante du monde anglo-saxon." L'anglo-saxon et ses sbires, voilà l'ennemi. L'entourage du président Mitterrand est obsédé par la préservation de l'influence française dans la région. Les services de renseignement français rapportent pourtant les "véritables massacres ethniques" et montrent les responsables à leurs yeux. Selon une note de la DGSE: "Il s'agirait d'un élément d'un vaste programme de purification ethnique dirigé contre les Tutsis", fomenté au sommet de l'Etat. Mais foin de ces analyses, les alliés sont les alliés. Le général Christian Quesnot, chef d'état-major particulier de François Mitterrand, ainsi que le numéro 2 de la cellule Afrique de l'Elysée, Dominique Pin, refusent d'évacuer. "C'est l'échec de notre présence et de notre politique au Rwanda. Notre crédibilité sur le continent en souffrirait." L'unité de façade du gouvernement se fissue. Pierre Joxe, ministre de la défense, se dit "préoccupé" par la position française. Mais autour de François Mitterrand, il s'agit de justifier à tout prix la politique française - au besoin, en altérant la façon dont les événements sont relatés à la population française. [Le général Quesnot] propose au président d'incriminer la rébellion en exigeant "une réorientation forte et immédiate de l'information des médias [français] sur notre politique au Rwanda en rappelant notamment (...) les graves atteintes aux droits de l'homme du FPR: massacres systématiques de civils, purification ethnique, déplacement de population...". En 1993 survient une cohabitation qui ne change pas grand-chose. Edouard Balladur ne remet pas en cause les options choisies jusqu'ici. Les accords d'Arusha sont enfin signés, annonçant un partage du pouvoir entre le gouvernement et les rebelles, des élections dans les vingt-deux mois à venir, et surtout, le départ de l'essentiel des troupes françaises dans la dignité. Mais ces accords ont autant de valeur qu'une feuille de papier et n'abusent personne. Dans un télégramme diplomatique du 12 janvier, l'ambassadeur à Kigali rapporte les confidences d'un informateur du représentant des Nations unies. Celui-ci a livré les détails "graves et plausibles" d'un plan de déstabilisation radicale du pays. Il commencerait par des provocations contre les troupes du FPR à Kigali, pour susciter une riposte. "Les victimes rwandaises que ne manqueraient pas de provoquer ces réactions seraient alors le prétexte à l'élimination physique des Tutsis de la capitale, explique le diplomate. Selon l'informateur de la Minuar, 1700 Interhamwe [membres des milices populaires] auraient reçu une formation militaire et des armes pour cela, avec la complicité du chef d'état-major FAR. La localisation précise des éléments tutsis de la population de Kigali devrait en outre permettre d'éliminer 1000 d'entre eux dans la première heure après le déclenchement des troubles." Trois mois plus tard, le 6 avril, un missile abat l'avion transportant le président Juvénal Habyarimana. En quelques heures, la machine génocidaire se met en marche comme prévu. Dès lors, la France ne cherche plus qu'à se couvrir. "Matignon et le Quai d'Orsay souhaitent, dans cette nouvelle crise rwandaise, qui risque d'être très meurtrière, que la France ne soit pas en première ligne", écrit Bruno Delaye à François Mitterrand, le lendemain de l'attentat. La priorité est l'évacuation des Français. Elle s'effectue en quelques jours. La communauté internationale est paralysée et aphone. (...) La ligne française demeure marquée par ses pesanteurs historiques, quitte à nier la réalité. Le 6 mai, le général Quesnot résume le danger d'une victoire militaire éventuelle du FPR, sa hantise. "Le président [ougandais] Museveni et ses alliés auront ainsi constitué un Tutsiland avec l'aide anglo-saxonne (...)" Malheureusement pour la position française, l'histoire des années 1990-1994 a des témoins: des ONG mettent en cause la France, forçant l'Elysée à publier un communiqué exceptionnel pour dénoncer les "procès sommaires" qui lui sont faits. Les médias n'auraient rien compri : la France serait à louer pour son engagement au Rwanda... L'opération humanitaire "Turquoise" est lancée; elle va durer jusqu'au 22août. "Toute cette mission doit être présentée comme une étape nouvelle de notre politique: le passé est le passé", écrit Bruno Delaye le 21 juin. Mais il est difficile d'imposer l'idée d'une virginité en matière de politique africaine, après plus de trois ans d'étroite coopération avec Kigali. Les affrontements ont fait 800'000 morts, essentiellement des membres de la minorité tutsie et des opposants hutus, en une centaine de jours durant l'année 1994. Il faudrait remonter le temps et laisser se dérouler l'histoire différemment pour savoir si, en ayant une autre attitude et une autre politique, la France et ses troupes déployées au Rwanda auraient pu désamorcer le génocide en gestation avant qu'il n'ensanglante le pays. Mais une chose est sûre, les liens indiscutables qui viennent d'être révélés entre le régime d'Habyarimana et le gouvernement présidé par François Mitterrand affaiblissent considérablement la crédibilité de la ligne de défense française. L'histoire de la France au Rwanda résume mieux que n'importe quelle théorie les conséquences d'une ligne de conduite oscillant sans cesse entre l'intérêt stratégique et les impératifs éthiques.
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L'anoblissement au titre de chevalier de l'écrivain par la reine Elizabeth II a provoqué des vagues jusqu'au Pakistan, où le Ministre des Affaires Religieuses a jugé que le geste pouvait justifier des attentats suicide. Lundi, Ijaz-ul-Haq a ainsi déclaré devant l'Assemblée Nationale pakistanaise que "si quelqu'un lance des attaques avec des bombes attachées à son corps pour défendre l'honneur du Prophète, alors elles sont justifiées". Pour une fois, le gouvernement britannique ne s'est pas laissé démonter: non seulement l'auteur des Verset Sataniques - qui a passé le tiers de sa vie caché à cause des menaces proférées par des islamistes à son encontre - doit toujours recevoir son titre, mais l'ambassadeur de Sa Majesté à Islamabad, Robert Brinkley, s'est confronté aux autorités parkistanaises. Il a ainsi précisé sur le sujet: "le gouvernement britannique est très clair; rien ne peut justifier des attentats suicide." Toutefois, le palais de Buckingham a prudemment précisé qu'il était peu probable que Salman Rushdie reçoive son titre avant octobre... Doit-on y lire le début d'un repli tactique? Le quotidien anglophone The News estime que l'octroi du titre de chevalier et de "Sir" à Rushdie ridiculise les efforts pour lutter contre l'extrémisme des islamistes. Selon un éditorialiste, "la décision de la Grande-Bretagne (...) est l'une de ces folies inexplicables destinées, semble-t-il, à rassembler les forces de l'extrémisme dans ce monde dangereusement instable." Donc, comme d'habitude, il faudrait peser chaque acte selon la réaction qu'il pourrait provoquer chez les extrémistes - ce qui revient à les laisser guider nos vies. Certes, derrière l'agitation se cache la volonté de la part des autorités pakistanaises d'exploiter l'événement pour des questions de politique intérieure. Le petit scandale de ces dérapages verbaux permet à la population musulmane pakistanaise de ressouder ses rangs. Les autorités iraniennes marquent sans doute leur indignation pour les mêmes raisons. Mais ce n'est pas tout. Des islamistes pakistanais ont brûlé des effigies de la reine. Des conservateurs en Iran ont aussi vilipendée la décision de la couronne, parlant d'acte d'"islamophobie". Le Sénat du Pakistan a "exigé le retrait du titre de chevalier" accordé à l'auteur des "Versets sataniques." Pourtant, l'Iran est chiite alors que le Pakistan est sunnite. L'Iran est l'adversaire déclaré des Etats-Unis et d'Israël alors que le Pakistan s'est retrouvé dans le camp occidental de la "guerre contre le terrorisme." L'indignation musulmane, même artificiellement exagérée, dépasse ainsi frontières et clivages politique; mais elle s'étend également verticalement au sein d'un pays, affectant autant le gouvernement que le petit peuple. Une fois de plus, l'indignation permet de révéler l'agitation perpétuelle qui affecte les pays musulmans, toujours à deux doigts de la violence. On ne saurait restreindre cette agitation proto-extrémiste à une simple frange de la population. A moins bien sûr que de brûler l'effigie de dirigeants étrangers, à défaut de mieux, ou de justifier des attentats suicide au plus hauts niveaux de l'Etat ne soit que les conséquences d'une saine liberté d'expression...
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La semaine dernière, Ahmad Merhi, un "gros poisson" a été arrêté dans un hôtel de Beyrouth, dans le quartier d'Ashrafiyeh. De nouvelles révélations ont été dévoilées ce dimanche dans Ya Libnan. L'individu - qualifié de "terroriste très dangereux" par une source des services de sécurité libanais - vient combler un vide dans le réseau de relations supposées entre les terroristes du Fatah al-Islam et le gouvernement syrien: il était agent de liaison chargé de faire passer de façon discrète des combattants à travers la frontière libano-syrienne, pour le compte de mouvements "terroristes" locaux. Selon la chaîne LBC, le "gros poisson" attrapé par les autorités libanaises a avoué qu'il agissait en tant qu'officier de liaison entre les services de renseignement syriens et les terroristes du Fatah al-Islam. Ceux qui tendent à croire les terroristes comme des "rebelles" devraient réaliser à quel point nombre d'entre eux sont achetés par des régimes autocratiques: Ahmed Mehri était un "officier" d'al-Qaeda, fournissant un lien entre les renseignements syriens et le gang qui a ouvert le feu sur l'armée libanaise en s'abritant derrière les civils palestiniens d'un camp de réfugiés. L'affaire ressemble de plus en plus à une riposte et une diversion, servant à détourner l'attention des efforts libanais pour enquêter sur l'assassinat de Rafiq Hariri, dont la piste met toujours plus en cause la complicité de Damas. La source explique qu'al-Qaeda "n'est plus un réseau structuré. Nombre de ses membres ont rejoint des agences de renseignement et sont utilisés pour infiltrer, contrôler et orienter des fanatiques locaux inspirés par al-Qaeda pour qu'ils se lancent dans des attaques qui servent les intérêts de ces services secrets." Le Fatah al-Islam, ajouta la source, "est un de ces groupes locaux. Ses membres adhèrent à l'idéologie d'al-Qaeda, mais ses attaques sont planifiées par les officiers de renseignement syriens." L'abondance du matériel de falsification trouvé et les aveux que les services de sécurité libanais ont déjà réussi à obtenir du prisonnier laissent deviner une moisson de renseignement sans précédent. De part son rôle central dans le réseau, Ahmad Merhi était au courant de beaucoup de choses, capable d'impliquer des personnes tant du côté syrien que du côté des terroristes soit-disant apatrides. Son arrestation permettra évidemment le démantèlement de toute une filière, mais elle permet aussi d'éclairer d'un nouveau jour les relations secrètes qui lient les mouvements terroristes et les gouvernements officiels. Aucun n'en sort grandi: les terroristes du Fatah al-Islam se révèlent finalement des marionnettes manipulées pour servir des intérêts nationalistes très éloignés des buts de leur mouvement, alors que le gouvernement syrien se retrouve mouillé par son implication dans une forme non-conventionnelle de guerre, très éloignée des conventions internationales. Reste à voir quel écho sera donné à ces nouvelles en Occident et quelles mesures seront prises à l'encontre de la Syrie, en espérant que cette affaire ne soit pas enterrée trop rapidement.
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Alors qu'en septembre dernier, face à la motion de la conseillère aux États socialiste bâloise Anita Fetz, le Conseil fédéral exprimait encore son attachement à la remise de la munition de poche aux militaires, il veut désormais veut interdire cette forme de stockage. Les munitions devraient être rendues aux arsenaux. Apparemment, le nouveau retournement de situation pourrait venir de l'influence de la commission de la politique de sécurité du Conseil des Etats. C'est en tous cas la position que confirme au Tages-Anzeiger le porte-parole du Conseil fédéral, Oswald Sigg. Bien sûr, une telle mesure serait liée à l'évolution de la sécurité. Sebastian Hueber, porte-parole du DDPS, garde les options ouvertes: "Si la situation changeait, on pourrait alors à nouveau confier la munition aux soldats," explique-t-il. Le parlement doit encore se prononcer, influé par les prises de positions de la commission de la politique de sécurité et le nouveau soutien du Conseil fédéral. Bien que l'exécutif suisse parle d'une seule voix, ces changements de position montrent sans aucun doute que la majorité dans un sens ou dans l'autre est faiblement acquise au sein du groupe des sept Conseillers fédéraux. Il est encore trop tôt pour savoir comment cette tentative de réglementation évoluera. Sur ce dossier qui semble plutôt confus, la clarté viendra sans doute d'une consultation du peuple suisse sur une votation en rapport, comme le maintien de l'arme d'ordonnance à domicile. Les politiques auront alors un signal qui leur dira comment réagir. Le revirement du Conseil fédéral n'est malgré tout pas anodin, surtout à l'aune des arguments avancés lorsqu'il conseillait son attachement à la remise de la munition de poche aux militaires. En septembre, alors que le CF souhaitait le dépôt d'armes et de munitions dans les foyers des citoyens-soldats, cette pratique représentait alors une "démonstration de la volonté de défense des citoyennes et des citoyens suisses" et manifestait le "rapport de confiance qui existe entre les citoyens et l'Etat". Il n'aura fallu que quelques mois pour que ce rapport de confiance devienne caduc.
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Le programme de localisation GPS Galileo, présenté comme une étape indispensable de l'émancipation spatiale européenne face au système GPS américain, n'en finit plus de faire des vagues. Comme le révèle le journal Le Temps, retards et trous dans le financement sont progressivement en train de devenir colossaux. Mais c'est moins leur ampleur que les solutions présentées pour y remédier qui posent problème. Le 16 mai, la déclaration de Jacques Barrot, commissaire aux Transports de l'Union Européenne, a eu le mérite de ne pas cacher la sitation du programme: il s'agit ni plus ni moins de "sauver" Galileo. Dans ce but, la Commission européenne serait prête à pallier aux "défaillances" du consortium privé en charge du mandat depuis 2002, qui accuse deux ans de retard, contre un financement de 3.7 milliards d'Euros par les 27 Etats membres. On est très loin du milliard d'Euro évoqué à l'origine du projet. Un seul satellite a été lancé sur les 30 prévus, pour réserver la fréquence du système. La mise en service initialement planifiée pour 2012 paraît bien difficile à tenir. Compte tenu de ces retards, l'intérêt même de Galileo est revu à la baisse: il deviendrait opérationnel à peu près en même temps que la nouvelle génération du GPS américain, le GPS II, prévu pour l'horizon 2013-2014... En outre, cette manne publique soudaine altère un des points centraux du système, puisqu'il s'agit de fait d'une "nationalisation" à l'échelle européenne d'un programme civil à l'origine. Il était jusque-là aux mains de l'Agence spatiale européenne (ESA) et d'une agence indépendante composée de neuf entreprises privées (Alcatel, Thales, Immarsat, EADS, Finmecanica, Aena, Teleop et Hispasat.) Or, la redistribution des cartes expulse de fait les membres partenaires du programme qui ne sont pas membres de l'Union Européenne, comme la Suisse. Les entreprises helvétiques seront-elles encore sur les rangs lorsqu'il s'agira d'allouer les lucratives licenses d'utilisation de Galileo? Selon un officier: «Les militaires redoutent qu'une future concurrence Galileo-GPS n'aboutisse à une très coûteuse surenchère spatiale dans une période où la France, l'Espagne, l'Italie et le Royaume-Uni sont en train de dépenser des milliards pour moderniser leur aviation». D'autant que la Russie et la Chine ont aussi leurs projets satellitaires... Le gâteau annoncé pour le marché des services de positionnement par satellite risque d'être partagé entre plus de convives que prévu. Une note de l'institut Stratfor enfonce le clou - en lançant certaines insinuations qui ne sont peut-être pas purement spéculatives: «Galileo sera de toute façon en retard, trop cher, et seulement utile aux pays qui prévoient dans l'avenir un conflit avec les Etats-Unis.» Un conflit? Le mot est peut-être trop fort. Mais on ne peut le ramener en deçà d'un risque de "divergence majeure" des Européens - en tout ou en partie - qui risquerait de les exposer à une cessation de la license d'utilisation gratuite dont ils disposent auprès du GPS américain. A moins que la finalité de Galileo ne soit de fournir un service de positionnement aux ennemis des Etats-Unis, comme Cuba ou l'Iran... Il restera toujours la possibilité de faire porter le blâme de l'échec probable du projet Galileo aux bouc-émissaires habituels, des pays européens comme le Royaume-Uni ou les Pays-Bas, coupables d'être trop sensibles aux vues américaines. Et de ne pas vouloir dilapider l'argent public? Décision sera prise lors du sommet européen du 21 au 22 juin.
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L'affrontement constant entre les milices du Fatah et du Hamas n'est pas à la mode; les médias font preuve d'une étonnante retenue lorsqu'ils prennent d'évoquer ces batailles de rues sanglantes entre factions. Il est vrai que cette guerre fratricide creuse une faille béante dans l'unité de façade que les mouvements palestiniens essayent d'afficher dans leur lutte contre leur ennemi désigné, l'oppresseur sioniste... Pourtant, la bande de Gaza est le théâtre d'affrontements aussi quotidiens que sauvages entre des combattants affiliés aux deux organisations rivales. Aujourd'hui encore, des heurts entre Fatah et Hamas ont entraînés trois morts (selon un bilan révisé) et onze blessés - et ce malgré l'annonce d'une trêve - lors d'une première fusillade. Les victimes sont apparentées au Fatah; elles ont été tuées par balles au nord de la ville de Gaza, alors que d'autre agents du Hamas mettaient le feu à un bureau du Fatah dans la même ville. Un quatrième palestinien pris dans un échange de tirs a été tué dans un marché à Khan Younés, dans le sud de Gaza. Les responsables des deux mouvements avaient pourtant annoncé une trêve la nuit même, dans l'espoir de mettre fin aux violences partisanes. Depuis vendredi, les violences ont fait au moins 6 morts et des dizaines de blessés, et la journée n'est pas finie. Les informations filtrant de la bande de Gaza étant toujours peu nombreuses et à prendre avec précautions, il est difficile de réaliser pleinement l'ampleur des luttes qui se déroulent là-bas. Sans doute, les appareils politiques de ces mouvements n'ont pas le contrôle sur toute la hiérarchie des groupes qui leurs sont apparentés. On imagine que sur le terrain, les tensions sont exacerbées tant par les ruptures de trêves que chacun impute à l'autre que par l'armement léger porté par le moindre milicien, et qui peut faire dégénérer la plus petite dispute en règlement de compte à grands coups de rafales. La discipline n'est pas vraiment la valeur centrale des appareils palestiniens. Toutefois, on peut aussi se demander si le Hamas et le Fatah n'utiliseraient pas dans leur lutte d'influence les mêmes techniques qu'ils ont usés à plusieurs reprises dans leur combat contre l'Etat hébreu - promouvoir la paix temporaire, la négociation et le gel de l'activisme en haut lieu, tout en laissant des "groupuscules hors de tout contrôle" violer continuellement ces engagements sur le terrain. Mais pour tirer cela au clair, il faudrait évidemment une enquête menée par des tiers de confiance et il est peu probable que de telles investigations voient le jour. De même, impossible de savoir qui provoque qui, à supposer qu'un seul des deux mouvements soit responsable des troubles. Selon une mère de famille palestinienne évoquant un accrochage, "les balles ont pulvérisé les fenêtres et criblé les murs de la chambre. Les enfants pleuraient et nous leur avons crié de cesser les tirs." Non seulement les affrontements entre milice semblent échapper à tout contrôle hiérarchique, mais on peut aussi redouter une escalade des méthodes. A partir de quand les médias parleront-ils de guerre civile?
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Paul Wolfowitz, nommé par la Maison Blanche à la tête de la Banque Mondiale, est menacé en ce moment par une commision d'enquête interne. De ce côté de l'Atlantique, les railleries vont bon train contre le président menacé: Paul Wolfowitz, l'affreux directeur qui aurait profité de son poste pour augmenter spectaculairement le salaire de sa moitié. Malheureusement, la vérité est souvent la première victime d'une lutte d'influence. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, et celle-ci n'a rien a voir avec l'augmentation de salaire dont M. Wolfowitz aurait fait bénéficier une amie. Eclaircissons un peu le dossier, à l'aide notamment d'extraits de courriers électroniques échangés par les protagonistes. Lorsque M. Wolfowitz est nommé au poste de Président de la Banque Mondiale, il a immédiatement un problème: sa liaison avec Shaha Riza, une cadre de la banque, est contraire à la charte éthique de l'institution. Il en informe immédiatement les directeurs mais le comité d'éthique refuse la solution qu'il propose - laisser les choses en place en se voyant retiré tout pouvoir de décision concernant le salaire et la position de la collaboratrice. La commission propose au contraire de donner un poste à Mme Riza hors de la banque, seul moyen de la mettre "à l'abri" de l'autorité de son Président, et de lui donner une promotion pour compenser cet accident de carrière... Une recommandation dont ils laissent au président le soin de régler les détails, salaire compris! Aussi, le conflit naît non du principe de l'augmentation de salaire mais de son montant, qui revint à une augmentation annuelle de 8% au lieu des 3.7% habituels - 8% correspondant à une "performance exceptionnelle" et dépassant vraisemblablement ce que le comité d'éthique avait à l'esprit. Cela suffit à causer une immense fureur au sein des bureaucrates de l'institution, très attachés aux notions de rang et de statut. Mais leur colère ne fit que croître quand ils virent que Mme Riza bénéficierait en outre d'une promotion au rang de directeur ou de conseiller expert à son retour dans la Banque Mondiale, quand le mandat de M. Wolfowitz expirerait en 2010 - voire en 2015 avec le rang de vice-président, si M. Wolfowitz était reconduit dans ses fonctions. Ces attentions semblent des faveurs, mais il est en réalité peu probable que ce soit le cas. Selon toute vraisemblance, M. Wolfowitz essayait d'apaiser une collaboratrice dont la carrière promettait d'être brisée par la nomination d'un petit ami plus haut dans la hiérarchie de la banque, coup du sort face auquel elle était totalement impuissante. L'inaction aurait en outre posé de sérieux risques légaux à l'institution face à des accusations de népotisme - accusations dont est paradoxalement accusé aujourd'hui M. Wolfowitz, précisément pour la façon dont il essaya de résoudre le problème. Reste au bureau exécutif de la banque de décider de l'interprétation de tout ceci. Leur comité d'éthique n'aurait jamais dû donner à M. Wolfowitz un pouvoir de décision l'exposant ensuite aux critiques de ce même comité. D'autant plus que les gens étaient au courant: un email anonyme fut envoyé dès janvier 2006, s'indignant du nouveau salaire de Mme Riza. Or, après une "revue soigneuse" du dossier, le comité d'éthique conclut que tout était correct et que l'e-mail dénonciateur ne contenait finalement "aucune information nouvelle"... Hors de la banque, les médias profitent de l'affaire pour descendre le Président en flammes, et rares sont ceux qui relatent sincèrement la chronologie des événements. Pourquoi cette cabale? Outre les inévitables intrigues et luttes d'influence qui émaillent le quotidien de ce genre d'institutions - associées à toutes les médisances de ceux qui cherchent à l'affaiblir par pur dessein idéologique - il n'est pas besoin de chercher très loin l'objectif direct et inavoué atteint par la démission de Wolfowitz: l'arrêt de sa politique. Rappelons un petit article du Financial Times parlant de la nomination de M. Wolfowitz, deux ans plus tôt: La décision du Président George W. Bush mecredi de nommer Paul Wolfowitz comme prochain président de la Banque Mondiale est le second choc du mois pour les Européens, qui pensaient que M. Bush présenterait un visage plus aimable au monde pour son second mandat. A la place, avec la nomination la semaine dernière de John Bolton comme ambassadeur auprès des Nations Unies, M. Bush a mis en avant deux hommes avocats passionnés de la position selon laquelle le reste du monde suivra et se rangera derrière la direction prise par les Etats-Unis. "Wolfowitz est le symbole de l'approche solitaire de l'administration Bush", dit Devesh Kapur, expert en sciences politiques à Harvard et co-auteur de l'histoire officielle de la Banque Mondiale. "Associée à la nomination de John Bolton, les Etats-Unis donnent les postes aux gens les plus sceptiques quant au multilatéralisme." (...) Des organisations non gouvernementales craignent que M. Wolfowitz ait un objectif différent [de la simple lutte contre la pauvreté], cherchant à enrôler la banque dans le vaste projet consistant à améliorer la sécurité des Etats-Unis en faisant la promotion de la démocratie. "Il y a des inquiétudes sur la possibilité d'introduire la guerre contre le terrorisme dans les projets et les directives de la Banque Mondiale", explique Manish Bapna, directeur du Bank Information Center. M. Wolfowitz a affirmé à plusieurs occasions qu'il pense que le développement est vital pour gagner la guerre contre le terrorisme. Dans un discours prononcé à l'institut Brookings en 2002, il dit: "Les centaines de millions de musulmans qui aspirent à la modernité, la liberté et la prospérité sont, en réalité, en toute première ligne de la lutte contre le terrorisme." Etrange de voir comme ceux qui expliquent le plus souvent le terrorisme par la pauvreté s'effraient finalement que cette opinion soit partagée au sommet de la Banque Mondiale... Historiquement, le FMI est dirigé par un Européen alors que la Banque Mondiale l'est par un Américain. Mais les traditions n'empêchent pas la critique. Si celle-ci tombe à plat, la bonne vieille méthode du scandale permettra toujours de se débarrasser d'un nominé gênant. Mais malgré toutes les "conclusions d'experts", le sort de Paul Wolfowitz dans son rôle actuel est suspendu à la décision de l'administration Bush; avec 19% des parts de la Banque Mondiale, les Etats-Unis disposent d'une voix prépondérante dans l'institution, même en face de ce pseudo-scandale. Pour finir, une colonne de l'Opinion Journal permet de mesurer le gouffre qui sépare un dossier d'un autre selon les personnes impliquées...
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Les informations personnelles des Vaudois sont vendues pour la modique somme de 80 centimes pièce, voire donnés. On ne les informe pas et ils n’ont même pas la possibilité de s’opposer! C'est la Fédération romande des consommateurs (FRC) qui révèle le pot-aux-roses dans son magazine J’achète Mieux de mai. De quelles informations s'agit-il? Pratiquement tout ce dont dispose le Contrôle des Habitants. Nom, prénom, adresse, année de naissance, état civil, nationalité, origine, profession... Même le sexe et la date de naissance des enfants y passe. Le tout est transmis à la société marketing direct BVA. Pour être revendu, naturellement. Et probablement à plus de 80 centimes la ligne. Peut-être comprenez-vous mieux d'où sortent ces étranges appels téléphoniques qui vous assaillent le soir depuis des centrales d'appel au Maroc ou ailleurs qui vous proposent de participer à des "études marketing" ou vous promettent "la vérité sur les assurances." Et ce malgré la mention "pas de publicité" sur l'annuaire de Swisscom... Mais la faille était ailleurs. Les transactions entre BVA et le Contrôle des Habitants sont clairement intenables. Les gens de BVA le savaient bien et sont restés très discrets; la transmission se fait sans intervention humaine, à travers le programme informatique OFISA qui équipe plusieurs dizaines de localités. Le directeur de la société, Jean Schneider, a beau se retrancher derrière la culpabilisation de base ("nous employons des handicapés") et affirmer qu'il respecte la volonté des gens qui s'opposent à la transmission de leurs données, comment ces derniers peuvent-ils l'exprimer alors qu'ils ignoraient jusqu'à présent que leurs informations étaient transmises à des tiers? Hypocrisie, quand tu nous tiens! Le commerce auquel se livre le Contrôle des Habitants avec des données destinées en principe à la seule administration éclaire d'un jour particulier, et guère sympathique, la façon dont l'Etat se permet de suivre ses citoyens. Il ne s'agit pas encore d'une nouvelle "affaire des fiches" mais on peut espérer qu'à la suite du scandale, ce commerce cessera - prouvant par la même son inanité. La nouvelle loi sur la protection des données qui devrait entrer en vigueur en 2009 pourrait au moins encadrer ces pratiques, notamment en informant les usagers des destinations possibles de leurs formulaires; mais il est en réalité assez probable que l'émotion populaire mettra un terme à ces pratiques bien avant. Sophie Hornung, juriste au Département des finances du canton, a beau expliquer dans un article du journal 24 Heures que tout cela est parfaitement légal, l'oeil public n'en reste pas moins un excellent gage de moralité. Si une transaction dévoilée fait scandale, c'est probablement qu'il y a anguille sous roche.
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Rien ne va plus entre le gouvernement irakien et l'ONU. La polémique concerne le nombre de victimes dans la population pour le premier trimestre de 2007. L'ONU accuse carrément l'Irak de dissimulation alors que le Premier Ministre irakien, Nouri Al-Maliki, dénonce l'exagération des évaluations faites par l'organisation internationale. Quelle empoigne! C'est comme si toute la bienséance diplomatique, habituellement de mise à ces niveaux de discussion, s'était évaporée pour laisser la place à une banale scène de ménage. Evidemment, derrière le décompte macabre se cache un enjeu autrement plus saillant: l'exploitation politique de ces chiffres. Et plus encore, leur évolution depuis le 14 février, date à laquelle le plan de sécurisation de Bagdad a commencé. La dispute est notamment rapportée dans une dépêche de l'ATS; elle a atteint un statut officiel avec la publication du rapport trimestriel de la Mission d'assistance des Nations unies pour l'Irak (Unami) sur la situation humanitaire du pays, ce mercredi. Le rapport n'évoque pas de chiffre et porte le blâme de cette absence sur la non-coopération du premier ministre. Mais celui-ci a accusé à son tour l'Unami d'avoir exagéré ses évaluations. Le rapport précédent avait fait état de 34'400 morts en 2006 dans les violences quotidiennes à partir des données de différents ministères irakiens. Or, la généralisation à l'ensemble de l'Irak de la situation trouble que traverse principalement Bagdad, centre névralgique des médias occidentaux et des organisations internationales, permet de démontrer les totaux les plus fantaisistes à partir d'extrapolations. En isolant la capitale de l'échantillon et en restreignant les victimes aux morts dûment identifiés - par opposition aux simples "disparus" - il est possible de minimiser le nombre des victimes; en généralisant au contraire les victimes de chaque attentat à des attaques similaires qu'on "suppose" survenir sur l'ensemble du territoire, même celui qui n'est pas directement couvert par les observateurs, il est tout aussi facile de donner l'impression que le pays entier est à feu et à sang.  On imagine sans peine que les autorités irakiennes ont cessé leur collaboration avec les émissaires de l'Unami au vu de l'exploitation que ceux-ci faisaient de leurs chiffres; ils n'auraient eu aucune raison de se mettre en colère si la mission de l'ONU s'était contenté de rapporter, sans les changer, des valeurs qui leur étaient directement données par le gouvernement. Autour de la bataille pour les chiffres se déroule celle de leur évolution, donc de la tendance: l'Irak est-il tant bien que mal en train de se pacifier ou la situation empire-t-elle? Pour le gouvernement irakien, il est important de montrer que les choses s'arrangent; pour l'ONU, il est important de montrer qu'un processus entrepris hors de sa direction ne peut qu'échouer. En l'absence d'observateur réellement neutre, on en est réduit aux conjectures. Cela n'empêche pas la presse, comme Le Nouvel Observateur, de titrer carrément un article "ONU: les victimes des violences en hausse à Bagdad malgré le plan de sécurité" - indiquant clairement à qui le journal accorde le plus de crédit.
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Certains éléments de la police du canton du bout du lac font-ils usage d'une force excessive lors des arrestations, voire de la torture lors des interrogatoires? Suite aux troubles fréquents de la prison de Champ-Dollon - des menaces de grève de la faim, une violence endémique et des pétitions de détenus - le Grand Conseil a mandaté trois experts pour enquêter sur les causes de la surpopulation chronique de la prison. Les révélations surprennent et débordent largement du milieu carcéral. Le rapport, mentionné mercredi dans 24 Heures, Le Temps et La Tribune de Genève entre autres, met l'accent sur le recours excessif à la détention préventive, tant dans la fréquence que dans la durée. Mais surtout, il met gravement en cause le travail de la police en amont, bien avant qu'un accusé vienne croupir en cellule dans l'attente de son procès.  Le fait que les détenus de Champ-Dollon soient bien trop peu nombreux à être passé en jugement avant d'être incarcérés n'est finalement qu'une partie, somme toute relative, du problème. En évoquant la police, le rapport va beaucoup plus loin en mentionnant des actes qui s'apparentent à de la torture: Coups de pied, gifles, rackets, suffocation durant les interrogatoires. Un rapport d’experts dénonce les violences policières subies par des prévenus lors d’interpellations ou dans les salles d’audition. La plupart des abus allégués sont commis par des inspecteurs de la police judiciaire sur des individus souvent menottés.(...) Le rapport évoque aussi le cas d’un mineur victime de «submarino». En clair, ce dernier déclare qu’un policier lui a plongé et maintenu la tête dans une corbeille à papier remplie d’eau. Les trois experts mandatés, Christian-Nils Robert, Barbara Bernath et Jean-Pierre Restellini, ont auditionné 125 détenus. Sur ce total, 38 se sont plaints de mauvais traitements physiques. Après ces révélations, les langues se délient à l'extérieur de la prison. Les deux quotidiens gratuits 20 Minutes et Matin Bleu ont par exemple mentionné aujourd'hui les témoignages d'individus qui ont eu affaire à la police et se disent eux aussi victimes de violences: Vers 20 h, alors qu’il rentrait chez lui après avoir vendu une barrette de shit dans un parc, "Michel" a été assailli par quatre policiers. Mis à terre sans ménagement, frappé et menotté, il a été emmené au poste de police où il a passé une nuit dont il garde autant de mauvais souvenirs que de stigmates. Evidemment, on peut toujours mettre en doute les récriminations d'un vendeur de shit. La parole d'un malfrat ne pèse pas lourd face à celle d'un fonctionnaire assermenté. Mais la multiplication d'histoires de ce genre finit par semer le trouble sur la réputation de la police genevoise. Il est clair que les policiers n'ont pas la tâche facile. Obligés de neutraliser des prévenus qui ne s'avèrent pas toujours aussi calmes que quand ils témoignent de leur mésaventure à des journalistes ou des experts du gouvernement, les policiers doivent parfois faire usage de la force. La question concerne toujours sa proportion - surtout face à un individu désarmé, coopératif et/ou menotté. Est-ce pour "marquer le coup", par habitude, et prévenir toute tentative stupide d'évasion ou de violence? Est-ce une forme de préparation psychologique à l'interrogatoire qui va suivre? Est-ce simplement l'occasion pour des fonctionnaires violents de céder à leur pulsion face à des cibles en position d'infériorité, en toute impunité? On ne peut malheureusement pas être sûr de la moindre hypothèse.  Jean-Pierre Restellini, l’un des experts mandatés pour le rapport et qui travaille comme membre du Comité européen pour la prévention de la torture, affirme désormais qu'il faut «créer une inspection générale des services» et améliorer la formation des policiers. Il est vrai que la surveillance est plutôt élémentaire, avec seulement six commissaires qui assurent ce rôle essentiel - en plus de leur travail. En plus ou à la place, peut-être devrait-on introduire davantage d'enregistrement audio et vidéo dans les postes de police, voire pour les patrouilles lorsqu'elles en arrivent à effectuer une arrestation, de la même façon que les policiers de la route, aux Etats-Unis, sont constamment filmés lorsqu'ils arrêtent le moindre véhicule. Même s'ils ne donnent pas l'occasion de retranscrire l'intégralité de l'atmosphère d'une scène, ces enregistrements permettraient certainement de lever le doute de bien des exactions dont les policiers genevois sont accusés. Et naturellement, il reste au législateur à déterminer précisément quelles sont les méthodes d'arrestation et d'interrogation acceptables et celles qui ne le sont pas - ce qui est loin d'être facile.
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L'odeur de la poudre n'était pas encore dissipée que les médias ont commencé leur charge en règle contre la législation sur les armes à feu aux Etats-Unis. L'obtention d'une arme n'est pas trop difficile en Virginie. Il suffit d'être un résident légal sur sol américain, d'être âgé de plus de 18 ans et de subir un background check - une vérification sommaire des antécédents judiciaires, qui repousse tout de même l'obtention de l'objet convoité de 24 heures - avant de pouvoir repartir d'une armurerie avec un fusil ou un revolver. Il faut noter que le droit d'acheter une arme est singulièrement différent du doit de porter une arme: s'il est possible d'avoir un fusil dans sa cave ou dans le coffre de sa voiture, il n'est pas question de se promener avec dans la rue. Le port d'arme est un permis autrement plus difficile à obtenir, qui nécessite un examen psychologique et requiert au moins deux mois de délai. Tout cela ne concerne malheureusement que la vente d'armes neuves. Le marché de l'occasion est laissé à la bonne volonté des acheteurs comme des vendeurs, qui n'ont aucune obligation de contrôle. Mais comme le montre l'affaire de Virginia Tech, le marché gris des armes à feu n'est même pas en cause. Le tueur s'est contenté d'acheter un Glock 9mm neuf et une boîte de munitions d'entraînement pour 571 dollars, 36 jours avant le massacre. Comme à chaque fois lorsqu'un tel drame survient, les avocats du contrôle des armes mobiliseront l'opinion contre le laxisme de la réglementation sur la détention d'armes à feu. Qu'on s'en offusque ou qu'on s'en réjouisse, ils n'ont aucune chance d'obtenir le succès; la détention d'armes est un droit fondamental de la Constitution Américaine, mais plus important encore, son application est définie au niveau de chaque Etat fédéral. Cela signifie que chaque Etat américain, de la Virginie au Delaware, a le droit d'édicter sa propre réglementation sur le sujet. Même si certains ont une législation plus restrictive que d'autres, toute approche globale est exclue - ce qui ramène de fait la législation américaine à celle de l'Etat le plus laxiste.  En effet, on imagine mal des douaniers opérant au niveau des frontières de chaque Etat fédéral, qui vérifieraient la conformité aux lois locales sur les armes à feu du moindre individu franchissant la frontière dans un sens ou un autre. Du reste, la simplicité de l'arme utilisée pour commettre le massacre montre peut-être que la question est ailleurs.  L'examen psychologique du meurtrier est peut-être une piste plus prometteuse pour tenter de se protéger d'une telle tragédie à l'avenir, à supposer que ce soit possible.
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